Génialement tragicomique, le film avance au rythme de saynètes dans lesquelles se déploient un spleen et un malaise abyssaux. À travers la soumission ou la tentative d’une relation “vanille” (conventionnelle), auprès de sa famille ou au travail, Joanna Arnow se confronte à la difficulté du lien à l’autre et à soi-même, à l’ennui aussi, au sens de la vie en somme.
Le film est parfaitement réussi dans le ton, et pourtant totalement cryptique quant à ses intentions : il semble limite buller, mener la barque de son récit au petit bonheur la chance, au gré des humeurs aléatoires de personnages assez bien brossés pour donner à l’ensemble un souffle de tableau vivant.
La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume de Wes Ball
“Plusieurs générations après le règne de César, les singes ont définitivement pris le pouvoir. Les humains, quant à eux, ont régressé à l’état sauvage et vivent en retrait. Alors qu’un nouveau chef tyrannique construit peu à peu son empire, un jeune singe entreprend un périlleux voyage qui l’amènera à questionner tout ce qu’il sait du passé et à faire des choix qui définiront l’avenir des singes et des humains…”
La critique d’Arnaud Combe est à venir
Mon pire ennemi de Mehran Tamadon
Dans cette exploration de l’extrême violence psychologique et physique d’un diabolique jeu de manipulation, ce n’est plus seulement la toute-puissance du tortionnaire que le cinéaste questionne.
Le monde de la vente d’objets d’art est décrit avec une mine d’informations fort précises et tout à fait passionnantes, et chaque personnage porte sa part de romanesque, de secret et de folie.
On passe ces deux heures dans un état certes pas de désolation, mais de franche perplexité, que ne dissipent ni l’épure de la mise en scène ni le rigoureux prosaïsme du récit – impression d’un film pour rien, quasi irréprochable dans son costume de mélo historique néo-académique, mais parfaitement stérile.
La Fleur de Buriti de João Salaviza et Renée Nader Messora
Contemplative et quasi spectrale, l’image 16 mm […] dépasse, dès le prologue, le terrain de la pure ethnographie pour nous projeter au cœur d’une expérience sensorielle saisissante, enrichie par l’impressionnant travail d’immersion sonore sur les pulsations de la flore. Une hybridation des images qui permet de mieux cerner les spécificités des croyances ancestrales du peuple et son rapport politique au territoire.
État limite navigue le long des seuils, dans des couloirs interminables et surchargés, entre deux portes ou deux lits, où des échanges se font entre docteur et patient·es, toujours sur la brèche. Ils sont ces endroits de transition où la parole circule, souvent avec célérité, cruciale et salvatrice.
Film en point d’interrogation, qui nous laisse sciemment interdit, L’Ombre du feu est un curieux objet, virtuose dans son premier acte, nébuleux dans son second, hypnotique de bout en bout.
Border Line de Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas
Tout un ballet bureaucratique et d’emprise se met en place dans un théâtre à l’éclairage net, tel un tribunal, où tout est froidement analysé. L’intimité, progressivement et cliniquement mise à mal, y devient alors le dernier rempart possible. La dernière frontière.
Il y avait un beau, peut-être même un grand film à faire, mais c’est comme si ce Jules et Jim du capitalisme sportif avait été sacrifié sur l’autel d’une vulgarité et d’une boulimie formelle qui, si elles peuvent se justifier par son sujet, n’en sont néanmoins pas passées loin de le rendre irregardable.
Notre monde n’a pas l’euphorie de cette révélation ; il est même, à l’inverse, comme assommé par une gueule de bois généralisée. Celle-ci fait évidemment état d’un pays en pleine transition, mais le film a cette qualité de faire régner à l’intérieur de sa fiction le sentiment d’une fuite permanente (celle des filles d’abord, celle des profs délaissant les bancs de l’université), qui confère à l’ensemble un halo fantomatique, fané comme un vieux souvenir.
Amy a ici plus de la poupée déchue que de l’artiste profondément torturée. Refusant de s’intéresser au blues d’Amy Winehouse, ce biopic approuvé par les ayants droit de la chanteuse est d’une superficialité désolante.
L’image animée devient le moyen de se reconnecter à la nature, mais sous une autre forme. Sky Dome 2123 serait un film de géologue transformiste, où les corps des époux·ses nu·es, dans des lacs coincés entre les montagnes, se baignent comme de nouvelles promesses.
Donnant l’illusion du direct, Bushman est un conte moderne, âpre et très politique, qui met en lumière, sans aucun pathos, la souffrance de l’exil et l’illusion de l’intégration.
Ne basculant jamais dans le merveilleux ou le réalisme magique, la caméra de Purev-Ochir parvient à saisir lors de vibrants silences, de longs temps morts, quelque chose de l’ordre de l’indicible.
L’image est belle, le paysage des régions, en plans de coupe, font office de passage entre les gens, mais il manque un fil rouge à l’ensemble, un logos, une idée de mise en scène plus rigide.
Naviguant tour à tour entre le drame, le thriller, la comédie ou la satire, Le Déserteur s’essouffle malheureusement à l’image de son protagoniste. La fin quelque peu attendue et sa mise en scène assez classique n’arriveront pas à faire oublier certaines blagues sur le conflit qui font aujourd’hui grincer des dents.
Imbert, qui n’est pas tsigane, réalise un film militant, sans cacher certaines aspérités […]. Pas d’angélisme dans Le Temps du voyage. […] Même si le film d’Imbert ouvre de nombreuses portes d’espoir.
“Ici, ce sont les détenus qui surveillent les gardiens et non l’inverse”, avouera la directrice du centre à Mélissa (Hafsia Herzi), une jeune surveillante fraîchement arrivée de Paris. Hitchcockien par excellence, ce renversement du voyeur ou de la voyeuse devenu·e objet du regard, et donc potentiellement en danger, va lancer avec force toute la matière de thriller de Borgo.
Ni flic, ni juge, ni psy, Sonia Kronlund ne cherche pas à dompter un secret. À sa fenêtre de conteuse, elle en augmente la saveur romanesque. Pour preuve, son entretien avec Machin où, curieuse et joueuse, elle plonge à son tour dans la fiction, abusant l’abuseur en s’inventant un personnage de reporter.
Knit’s Island, l’île sans fin de Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L’helgoualc’h
On découvre, fasciné·es, les confins de cet univers étrange, hanté autant par Stalker de Tarkovski que Gerry de Gus Van Sant. Au fil des témoignages, parfois passionnants, s’écrit une réflexion qui interroge notre besoin urgent de fuir la réalité ainsi que celui de recréer du lien social.
Riddle of Fire, une version des Goonies vaporeuse et magique, où l’on suit à la trace une bande de gamin·es prêt·es à tout pour craquer le code parental de leur nouvelle console. Pour l’obtenir, le trio doit réussir à réunir les ingrédients d’une tarte aux myrtilles, trésor prétexte d’une mission qui leur est confiée.
Dans LaRoy, tout part d’un quiproquo : prêt à se suicider, le canon d’un revolver posé sur la tempe, un homme est confondu avec un tueur à gages à qui on a commandité un meurtre. S’engage alors une avalanche de cocasseries dans la ville de LaRoy, patelin fictif de l’Ouest américain devenu un écrin où chaque événement prend des proportions démesurées. Tout est décuplé car tout le monde se connaît et se croise dans ce territoire fermé dont on explore chaque recoin et où circulent bastons, meurtres et folies.
La Machine à écrire et autres sources de tracas de Nicolas Philibert
Philibert s’intéresse à la vie quotidienne, aux “tracas” que sont les objets, les machines, les instruments, les outils, quand ceux-ci tombent en panne et qu’ils bouleversent sans le vouloir la vie de tout un chacun, mais surtout celle souvent très réglée, ritualisée, organisée obsessionnellement, par les personnes souffrant de maladies psychiatriques, pour qu’elles puissent vivre le mieux possible.
De la trame minimaliste d’une scène pivot du coming of age, qui saisit les derniers feux de l’adolescence à l’orée de l’âge adulte, Damien Manivel tire une matière profuse où l’hésitation se noue à la grâce. Celles caractéristiques d’une jeunesse pas totalement dégrossie, et celles d’un projet à la forme composite, en apparence inachevé
Le film colle ainsi assez à l’image de ce qu’un adulte aussi irresponsable et irrévérencieux peut offrir à son enfant : de grands moments épiques, ludiques, comme des déceptions profondes.
Entre l’exercice de style et le film d’intervention politique, Le mal n’existe pas est à la fois une parenthèse engagée et une nouvelle manifestation des obsessions d’un des auteurs les plus talentueux du cinéma contemporain.
Si le cinéaste dépeint, par l’intermédiaire de Sylvie Hofmann, l’hôpital en crise, en manque de tout, de matériel et de soignant·es, c’est moins pour en chroniquer le chaos que pour honorer l’intelligence humaine qui lui fait face.
Si la mise en scène de Stéphanie Di Giusto, fébrile et corsetée, ne parvient pas à rendre compte pleinement du rayonnement de Rosalie […],la cinéaste confirme son attrait pour une réjouissante exploration et réinvention du féminin.
Si le film ne se départ jamais d’un certain académisme, il se trouve en revanche très inspiré quand il s’agit de rendre compte, sans avoir recours au discours, de l’ambiguïté constante et volontaire dans laquelle on voudrait inscrire de force une affaire qui se trouve en réalité d’une clarté limpide.
C’est sur la dissonance entre l’impressionnante beauté cinégénique d’un paysage et la dure réalité économique et sociale d’un pays, entre deux existences opposées que seule l’enfance permet encore de rapprocher, entre la projection vers le futur et la fixité du déterminisme, que Sans Cœur organise les enjeux de son récit à double fond, intime et collectif.
Le film s’avère convenu, empilant sans véritable conviction visions horrifiques ressassées et jumpscares tristement prévisibles. On préférera retenir son versant parabolique, visiblement dans l’air du temps, à l’heure où l’accès à l’avortement a été sévèrement restreint, voire est devenu illégal, dans une vingtaine d’États américains.
Globalement, les femmes sont ici les plus fortes et surtout les plus solidaires, et les hommes, tous à peu près abrutis. Un film réjouissant, de divertissement, pas le moins du monde prétentieux ni même très beau.
Il pleut dans la maison fait à la fois état d’une humeur joyeuse, d’une chamaillerie complice qui éclate à l’écran à chaque fois que ses deux interprètes charismatiques se regardent, tout en distillant, avec un sens infini du détail et de la composition, une constellation de ruptures contrastées.
En 1996, année où il se déroule, Yurt dépeint un pays pris en pleine bataille idéologique entre laïques inspiré·es d’Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne, et religieux. En se basant sur ses propres souvenirs, le cinéaste Nehir Tuna fait de son personnage le réceptacle de ces tensions politiques, adoptant une allure de relâchement malgré la violence de l’oppression.
Au-delà de l’examen du sujet migratoire qui restera minoritaire, l’enjeu principal du film qu’il conduira jusqu’à son ultime image sera la constitution ou non du couple Biolay/Cottin. Plus préoccupée par les conséquences personnelles que par les réalités systémiques auxquelles sont confronté·es les migrant·es, cette approche laisse de côté toute critique sérieuse de la politique répressive de l’État.
L’idée est intéressante, l’exécution calamiteuse. Sauvaire n’évite aucun cliché, aucun effet de manche, aucune lourdeur pour soutenir son propos franchement limite sur l’impérieuse nécessité d’aider son prochain même quand la tâche semble vaine.
Sans souci de vraisemblance, et au gré d’une intrigue délirante gribouillée à 6 mains, Godzilla x Kong concentre sa force de frappe sur les affrontements over the top entre titans et kaijus s’envoyant des mandales cosmiques aux quatre coins (et à même à l’intérieur) du globe.
Le Squelette de Madame Morales de Rogelio A. González (reprise)
Cette farce macabre n’est en aucun cas un éloge du féminicide, mais sert surtout à dénoncer avec une alacrité et une allégresse perceptible l’hypocrisie de la société bourgeoise, et surtout de la religion chrétienne.