Tout a commencé sous le ciel californien, au premier week-end du festival Coachella. Après une puissante et symbolique apparition aux côtés de Lana Del Rey – celle-ci l’a invitée à monter sur scène pour interpréter en duo leurs deux premiers singles respectifs, Video Games et Ocean Eyes –, Billie Eilish a convoqué quelques chanceux pour une soirée surprise.
“J’organise une fête au Do Lab, à plus”, lâche-t-elle le jour-même en story sur son compte Instagram. Le soir, la chanteuse dévoile les titres L’AMOUR DE MA VIE, CHIHIRO – déjà évoqués lors d’un entretien avec Zane Lowe – et LUNCH, extraits de son prochain album Hit Me Hard And Soft. Captés par la foule, les enregistrements basse qualité se retrouvent rapidement sur les réseaux.
Et LUNCH a particulièrement attiré l’attention pour ses paroles pour le moins explicites : “I could eat that girl for lunch / Yeah, she dances on my tongue / Tastes like she might be the one / And I can never get enough” (“Je pourrais manger cette fille pour le déjeuner / Ouais, elle danse sur ma langue / Elle a le goût d’être la bonne / Et je n’en ai jamais assez”). Dans un entretien fleuve pour le magazine Rolling Stone publiée le 24 avril, la musicienne s’est confiée sur son rapport au sexe et son attirance pour les femmes. Si elle avait assuré en novembre dans un entretien à Varietyêtre “attirée” par les filles, Billie Eilish profite de cette interview pour préciser sa pensée : “Il faut du temps pour se trouver soi-même, et c’est très injuste la manière dont Internet vous intimide pour que vous parliez de qui vous êtes et de ce que vous êtes”, faisant référence à toutes les réactions qui ont suivi.
“Je parle de sexe dès que j’en ai l’occasion”
Au cours de l’entretien, l’artiste évoque de nouveau son attirance pour les femmes : “J’ai été amoureuse des filles toute ma vie, mais je ne réalisais pas – jusqu’à ce que, l’année dernière, je comprenne que je voulais mettre mon visage dans un vagin.”
Elle confie également aborder le sexe comme un moyen de décompresser, et la masturbation comme une manière de combattre ses complexes, notamment sa dysmorphie corporelle dont elle a souffert “toute (s)a vie”. Surtout, l’artiste regrette les tabous et le silence autour du plaisir féminin : “En tant que femme, je sais que c’est perçu de manière tellement bizarre. Les gens sont tellement mal à l’aise lorsqu’ils en parlent, et bizarres lorsque les femmes sont très à l’aise dans leur sexualité et qu’elles communiquent à ce sujet. Je pense qu’il est tellement mal vu d’en parler, et je pense que cela devrait changer.”
À l’approche de la sortie de son nouveau disque, Billie assure “aimer les garçons et les filles”, et insiste : “S’il vous plaît, laissez-moi tranquille à ce sujet.”Hit Me Hard And Soft est son troisième album studio, il sera disponible le 17 mai.
Tout récemment, lors d’une soirée organisée à Coachella – où elle a aussi été invitée sur scène par Lana Del Rey pour interpréter deux morceaux –, Billie Eilish a dévoilé quelques extraits de son nouveau disque à une poignée de chanceux. La pochette du futur album en question a de quoi attirer. On y voit la chanteuse, sous l’eau, se laisser engloutir dans l’obscurité sous-marine. Ici le bleu de l’eau, conjugué à l’immobilisme de Billie, renvoie au spleen, à la mélancolie propre à l’effacement et au lâcher-prise. Par désespoir ? Par impuissance ? Ou alors par besoin de laisser le temps au temps ? Réponses le 17 mai.
Hamza – Paradise
Paradiseest un refuge, où les humeurs s’entrecroisent à l’envi : la sensualité dans Validé, le spleen suivi de très près par l’exultation dans Minuit 13, ou encore la fièvre mâtinée d’égotrip dans Meilleur. Le prince belge traduit tout ça par le bleu de sa pochette, où on le voit, à la manière de Billie, s’abandonner et s’enfoncer sous la surface de l’eau, empreint d’une même lassivité que celle employée pour dérouler son flow teinté d’alcool quand il lance “Quand j’bois le Henny, le Henny me noie”. Que ce soit en vidant sa teille ou dans l’eau, Hamza noie ses émotions dans l’un de ses disques les plus introspectifs.
Gunna – Drip or Drown 2
Drip or Drown est une invective, celle-là même que 50 Cent lançait dans le titre de l’album Get Rich or Die Tryin’ (comprendre “devenir riche ou mourir”). Le drip – terme utilisé pour qualifier cette culture de l’ostentatoire, le show off manifesté par des vêtements haute couture et des bijoux diamantés – est une voie obligatoire pour le trappiste Gunna. Ironiquement, sur la pochette de son album, on le voit debout au fond de l’eau, sapé comme comme un jour de Fashion week, résigné à survivre à toutes les épreuves pour mener la vie en drip.
Urgence écologique
Weyes Blood – Titanic Rising
La mélancolie, l’impuissance face au climatoscepticisme ambiant, l’effondrement inéluctable du monde que l’on connaît : autant de sentiments que Weyes Blood tente de transmettre dans Titanic Rising. Rencontrée en 2019 par Les Inrocks à l’occasion de la sortie de son album, la chanteuse se confiait ainsi à propos du dérèglement climatique : “Aujourd’hui nous faisons fondre les icebergs et couler la civilisation.” En écho à ces déclarations, Weyes Blood a reproduit pour la pochette de son disque sa chambre d’adolescente, plongée dans une piscine, où elle apparaît, flottant en jean et t-shirt.
Björk & Rosalía – Oral
Parmi les rencontres les plus inattendues de l’année passée, figure en bonne place le couple Björk-Rosalía, unies en musique autour de la lutte contre la pisciculture intensive. Sur le single Oral, elles dénoncent l’élevage intensif de saumons en Islande, qui porte largement atteinte à la biodiversité – tous les revenus générés par le titre sont reversés à Aegis, une association à but non lucratif co-créée par Björk. Sur la pochette du morceau, les deux chanteuses sont représentées en coraux, parées de perles et de coquillages.
Vision onirique
Simo Cell – Cuspide des Sirènes
Dans Cuspide des Sirènes, le DJ et producteur nantais Simo Cell raconte sur des airs électroniques, empruntés au dubstep et à la techno, une vie aquatique pleine de glitchs organiques (prelude to a quest), de samples de voix déconcertants (polite rudboi) et de reliefs. La pochette, réalisée par l’artiste chinoise RINIIFISH, représente bien la dimension expérimentale qu’entend donner l’artiste du début à la fin du disque. Un voyage riche et onirique, produit par Lurka, éminence de la scène électronique de Bristol.
Mac DeMarco, Haruomi Hosono – Boku Wa Chotto
En février, Mac DeMarco dévoilait une nouvelle reprise de la légende japonaise Haruomi Hosono, Boku Wa Chotto. Le titre figurera sur une compilation qui sera publiée cette année par le label Stones Throw, pour les 50 ans de l’album Hosono House. La pochette a déjà été dévoilée : celle-ci reprend les traits de Hosono issus du disque original, ici stylisé en dessin, où l’on distingue la silhouette de l’artiste qui se dessine sur l’eau.
Évasion et rêverie
Blur – The Great Escape
Sorti en 1995, en proie aux flots de la britpop bouillonnante de l’époque, The Great Escape est le dernier disque de Blur avant un léger changement de cap symbolisé par son disque éponyme sorti deux ans plus tard. Un quatrième album comme un voyage, où l’on plonge volontiers comme le montre sa couverture. À rebours des pochettes précédentes, celle-ci montre l’autre côté de la scène, hors de l’eau cette fois-ci.
PJ Harvey – To Bring You My Love
Dans une référence à Ophelia, personnage de Hamlet peint par le Britannique John Everett Millais, PJ Harvey flotte à la surface de l’eau sur la pochette de To Bring You My Love. Signe des variations que compose ce disque – entre désir, liberté et solitude –, le visuel de l’album fait ressortir des nuances de couleurs variées au-dessus (et dans) l’eau : le rouge de ses lèvres et de sa robe, ses cheveux noirs, le blanc de sa peau. Dans le clip deDown by the Water, on la retrouve d’ailleurs sous l’eau.
Menace
Thundercat – Drunk
Sur le papier, la référence semble évidente, tant elle a été exploitée en long, en large et en travers : avec ce visage à moitié immergé dans l’eau, la pochette de Drunk peut rappeler à plus d’un une scène du film Apocalypse Now. Pour les besoins de ce visuel, Thundercat, de son vrai nom Stephen Lee Bruner, fut photographié par Eddie Alcazar dans une piscine, le soleil couchant en fond.
Nirvana – Nevermind
Peut-être la pochette plus évidente de toute cette sélection (et de nombreuses fois évoquée ici, jusqu’en couverture du premier numéro des Inrockuptibles de retour en version mensuelle, en 2021). On parle bien sûr de Nevermind, album iconique pour un groupe qui l’est tout autant. Avec ce nouveau-né qui tente d’attraper un billet, ce visuel symbolise – selon les dires de la formation d’Aberdeen – les ravages du capitalisme et de la société de consommation américaine.
Billie Eilish a annoncé le 8 avril dernier la sortie de son troisième album, Hit Me Hard and Soft. Il sera disponible le 17 mai et, comme d’habitude, il a été mis en boîte avec son frangin, Finneas. Dans un communiqué, Billie déclare : “Cet album est à écouter idéalement dans son intégralité du début à la fin.”
Pour creuser davantage le sillon de cette injonction d’esthète, la musicienne ajoute qu’elle ne sortira pas de single et ne dévoilera rien du disque – à part le tracklisting qui a fuité – jusqu’au jour de sa sortie officielle. Une injonction, une fois encore, qui nous rappelle ce concept branlant ayant fait surface sur Internet il y a une dizaine d’années : le slow listening.
C’était quoi, le slow listening ?
Pour faire court, il s’agit de se dédier à l’écoute d’un album dans son intégralité, si possible sur du bon matos et en ne faisant rien d’autre que cela. À l’époque, la génération ayant grandi avec le support physique comme seul et unique format d’écoute s’était bien marrée en découvrant cette épiphanie émanant des milieux gentrifiés.
Écouter un album en entier, quelle révolution ! Cette “tendance”, qui n’a pas résisté à la réalité des flux incessants, du morcellement des œuvres et de l’interconnexion généralisée, avait néanmoins le mérite de proposer une alternative à nos vies TGV et à la vision dystopique d’un futur (notre présent) dans lequel les œuvres musicales ne s’inscriraient plus dans le temps long.
Sous l’océan
Billie Eilish a par ailleurs dévoilé la pochette de l’album. Sur celle-ci, on la voit sous l’eau, le regard tourné vers une porte ouverte à la surface. Un teaser vidéo accompagne l’image : elle sombre, et un bras vient l’attraper à la dernière minute, la sauvant de l’appel des abysses. Évidemment, Billie n’a pas inventé l’imagerie de l’engloutissement du monde en tant qu’il peut d’abord être un engloutissement de soi.
Du mythe de l’Atlantide à celui de la submersion du Japon, de l’esthétique steampunk de Waterworld (1995) au bébé de Nirvana, des accès dépressionnaires du rappeur Hamza sur Paradise (2019) au Titanic Rising (2019) de Weyes Blood : les visions sous-marines, tour à tour vectrices d’un message apocalyptique, écologique, fantastique, politique, ou de prévention pour la santé mentale, hantent la culture populaire.
En ce qui concerne Hit Me Hard and Soft, on a repensé au bouquin du musicien, journaliste et écrivain David Toop, Ocean of Sound : Ambient music, mondes imaginaires et voix de l’éther (1995). Toop y documente le passage de l’état mathématique à l’état gazeux de la musique, depuis les pérégrinations aquatiques des musiciens balinais jusqu’à “l’invention” de l’ambient par Brian Eno, obsédé par la coloration pastel de ses atmosphères sonores. “Un nombre croissant de musiciens créent des œuvres qui saisissent la transparence de l’eau”, écrivait-il déjà.
Billie Eilish a grandi à Los Angeles, immense citée évaporée, biberonnée à toutes les hybridités musicales offertes par l’hyper-accès à Internet. Dans cet océan, sa volonté de reconnecter le monde à un album ancré dans une démarche artistique qu’elle s’imagine être cohérente, ressemble à une tentative ultime de regagner la terre ferme.
Comment mieux commencer la semaine qu’avec le retour de Billie Eilish ? Si l’artiste l’avait sous-entendu en septembre dernier sur les ondes d’une radio américaine, l’annonce est désormais bien plus explicite : oui, elle s’apprête à sortir son troisième album, lequel paraîtra au beau milieu du printemps, le 17 mai, chez Interscope Records. Son nom ? Hit Me Hard and Soft.
C’est par un message (très enthousiaste) publié sur son compte Instagram que Billie Eilish en a informé ses fans : “Tellement fou d’écrire ça en ce moment, je suis nerveuse et impatiente”, y écrit-elle, tout en précisant qu’elle se refusera aux traditionnels singles antérieurs à la sortie du disque. Elle “[veut nous] le donner d’un seul coup”.
Voilà qui survient au lendemain d’un teaser publié sur le même réseau social – une poignée de secondes suspendues où une silhouette plongeait dans les tréfonds d’une mer sombre, tandis que résonnaient (sans doute) les notes de l’un des titres à paraître dans le fameux disque.
“Finneas et moi ne pourrions vraiment pas être plus fiers de cet album, et nous avons absolument hâte que vous l’entendiez”, ajoute-t-elle. Et de conclure, trois fois plutôt qu’une : “Je vous aime.”