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Orville Peck joue avec les codes country sur un album de duos espiègles

7 mai 2024 à 08:49

Orville Peck n’a pas attendu que la country redevienne tendance pour la célébrer. Depuis son premier album en 2019, l’époustouflant Pony, il a largement contribué au retour en force de ce style musical dont se sont récemment emparées la pop (Beyoncé, Lana Del Rey) et la mode (comme dans le défilé Vuitton imaginé par Pharrell en janvier).

Un show en deux actes

Devenu superstar aux États-Unis, où il vit, le Canado-Sud-Africain revient avec un troisième album scindé en deux actes. Stampede: Vol. 1 s’inscrit dans la lignée de ce qu’il a construit en solo pendant ces cinq dernières années : un timbre aussi puissant que tendre, à la Johnny Cash, une dégaine de lonesome cow-boy ténébreux (il se produit toujours masqué et sous pseudo) et des chansons qui évoquent les grands espaces américains, façon road-movie. Une différence, de taille : cette fois, le musicien a eu envie d’entremêler sa voix à d’autres, masculines et féminines.

En attendant le volume 2, qui suivra bientôt, les sept morceaux dévoilés début mai redonnent tout son sens à la formule “jouer de la musique”. Ludique et malicieux dans les cavalcades comme dans les ballades, le résultat enchante. Les sommets de l’album sont des reprises de deux titres qu’on a déjà entendus mille fois et qui ici retrouvent tout leur intérêt : Cowboys Are Frequently Secretly Fond of Each Other, en compagnie du légendaire Willie Nelson, bon pied bon œil, et Saturday Night’s Alright (For Fighting) avec le non moins impérial Elton John.

Quoi de neuf dans le far west ?

Dans les deux cas, les artistes trouvent le parfait équilibre entre respecter la chanson originale et se l’approprier avec un regard pétillant sur le passé et le présent. Les cinq autres morceaux méritent aussi qu’on s’y penche, notamment Chemical Sunset, joyeuse virée dans les bas-fonds du far west aux côtés de l’artiste americana Allison Russell, le majestueux Conquer the Heart avec Nathaniel Rateliff ou Miénteme, mélangeant anglais et espagnol en mode mariachi avec Bu Cuarón.

Reste à espérer qu’Orville Peck en profitera pour enfin revenir tourner de notre côté de l’Atlantique. La dernière fois qu’on l’a vu en France, fin 2019, relégué à un sous-sol bondé de la Grande Halle de la Villette lors du Pitchfork festival, il a embrasé la foule par son charisme magnétique. Vivement les retrouvailles, dans un lieu à la hauteur de son talent.

Stampede: Vol. 1 (Warner) d’Orville Peck. Sortie le 10 mai 2024.

Penny Arcade enchante le printemps avec sa psyché pop

2 mai 2024 à 14:10

Dans la grande famille des songwriters lo-fi aux mélodies délavées, dans l’illustre lignée du Velvet Underground, l’Anglais James Hoare se hisse facilement au niveau des Allah-Las, Woods ou Real Estate, entre autres cousin·es américain·es d’aujourd’hui. Au sein des regrettés Veronica Falls, du groupe The Proper Ornaments ou encore du duo Ultimate Painting, on a déjà pu mesurer à de maintes occasions la capacité de ce natif du Devon à élaborer des chansons à la fois raffinées et cotonneuses, patraques, mais immédiatement enjôleuses.

Promenade solitaire

Son projet solo, Penny Arcade, poursuit cette noble quête vers une pop psychédélique idéale. On y entend le crachin anglais, des échos indie pop des eighties, mais aussi du soleil californien, qui réchauffe les cœurs. Impossible de ne pas décoller avec le chanteur-compositeur, quand il nous emmène sur son tapis volant moelleux pour écouter ses pop songs volontiers mélancoliques et nostalgiques, mais jamais passéistes. Elles ne dépayseront pas celles et ceux qui déjà ont apprécié les précédentes aventures de James Hoare, qui a récemment quitté Londres pour revenir sur les terres du Sud-ouest anglais, où il a grandi.

Cet album enchanteur n’a rien d’un collage, contrairement à ce que semblent indiquer son titre et le mélange de peinture et de lettres découpées qui ornent la pochette : ces onze morceaux restent homogènes et cohérents du début à la fin, y compris lorsque la voix s’absente temporairement (sur le somptueux Garage Instrumental), ou quand l’artiste fait planer des brumes psychédéliques façon Brian Jonestown Massacre (notamment sur le fabuleux Mr. Softie). Un album lumineux et serein, parfait pour accueillir le mois de mai.

Backwater Collage (Tapete Records/Modulor). Sortie le 3 mai 2024.
En concert le 12 mai à Amiens (Chez Bertille), le 13 à Angers (Joker’s Pub), le 15 à Paris (Le Tony) et le 16 à Lyon (Le Sonic).

On a classé les 7 albums de St. Vincent

2 mai 2024 à 08:30

7. Strange Mercy (2011)

Composé en autarcie à Seattle, l’ambitieux troisième album de St. Vincent assume ses envies d‘expérimentation. Les guitares se font plus rugueuses, les élans d’apesanteur volent encore plus haut qu’avant et les paroles reflètent cet état d’esprit (le fameux concept d’empowerment), au risque de perdre un peu de sensibilité au passage et de dérouter. “J’ai passé de bons moments avec des mecs mauvais/J’ai dit des mensonges entiers avec un demi-sourire”, susurre l’artiste en introduction du captivant single Cheerleader, l’un des grands moments de ce disque en demi-teinte.

6. Actor (2009)

Ouvertement inspirée par des bandes originales de films Disney vintage et par Le Magicien d’Oz, St. Vincent a l’excellente idée d’injecter son énergie abrasive et son humour noir parmi ces mélodies immaculées. Imaginé aux côtés du producteur John Congleton (avec qui elle a travaillé plusieurs fois depuis), ce deuxième LP pas encore tout à fait extraverti crée de merveilleux contrastes, comme ces violons délicats, qui cohabitent avec des guitares métallurgiques (Marrow, Black Rainbow), ou cette capacité d’aborder d’une voix candide un monde intérieur sombre et dérangeant, à l’image du clip d’Actor Out of Work.

5. St. Vincent (2014)

Après une escapade avec David Byrne le temps d’un album en duo (Love This Giant, en 2012), Annie Clark se livre à de nouvelles acrobaties soniques sur le quatrième chapitre discographique de sa carrière solo. Sans jamais céder à la facilité, la compositrice est devenue une experte en son art, explosant les structures habituelles sans pour autant nous perdre, réconciliant rock industriel et sa vision de la pop, dansante, futuriste, cérébrale, tour à tour éthérée ou rêche. Et toujours cette volonté d’écrire des paroles audacieuses, comme au début de Birth in Reverse : “Oh quelle journée ordinaire/Sortir les poubelles, se masturber.”

4. Marry Me (2007)

Début 2006, Annie Clark opte pour le pseudonyme de St. Vincent pour lancer sa carrière solo. À cette période, la multi-instrumentiste s’était déjà fait remarquer au sein du groupe de Sufjan Stevens et de The Polyphonic Spree. Sur ce tout premier album, qui fait suite au prometteur EP Paris Is Burning (2006), elle confirme l’ampleur de son génie : voix voltigeuse, orchestrations somptueuses, songwriting ciselé, textes piquants et bien formulés… Elle attire immédiatement les comparaisons à Kate Bush et à David Bowie avec cette première carte de visite, toujours enchanteresse, près de deux décennies plus tard.

3. Masseduction (2017)

“Je ne peux pas éteindre ce qui m’allume”, avoue St. Vincent sur la chanson qui donne son titre à ce cinquième album, sa première collaboration avec le très demandé Jack Antonoff. Ce qui nourrit ici son feu intérieur, c’est un mélange d’electropop avant-gardiste, de glam rock hédoniste, de new wave ténébreuse et de mélodies irrésistibles, interprétées en compagnie de Kamasi Washington et de Jenny Lewis, entre autres. D’une sensualité bouillante et d’une intelligence pétillante, Masseduction se veut accessible et direct, sans renoncer à repousser toujours plus loin les frontières de la pop.

2. All Born Screaming (2024)

Revenir à l’état brut et simplifier tout en façonnant le son et en partageant ses émotions : un nouveau défi réussi pour le dernier album en date de St. Vincent, qu’elle a produit seule après avoir souvent préféré jouer les coproductrices. Sans faire appel au moindre masque cette fois, la passionnante tête chercheuse s’accompagne de plusieurs ami·es (dont Cate Le Bon, Dave Grohl, Stella Mozgawa), mais surtout de sa propre personnalité intense qui ressort de ces dix morceaux puissants, qui parlent de vie et de mort, sans pour autant sombrer dans les ténèbres. Magistral.

1. Daddy’s Home (2021)

Alors qu’elle s’est souvent construit un personnage inaccessible, d’un autre monde, St. Vincent fait ici tomber l’armure pour livrer son album le plus personnel, le plus chaleureux, le plus épanoui. Inspirée par les vinyles que son père lui faisait écouter enfant, elle se plonge dans le New York du début des seventies, armée d’une ribambelle de guitares qu’elle maîtrise à la perfection (acoustique, lapsteel, sitar électrique) et de claviers vintage (Wurlitzer, Mellotron). Immédiat et sophistiqué, lascif et élégant, touchant et impérial, ce sixième volet de sa discographie la propulse au sommet de son art.

“A Dream Is All We Know” : The Lemon Twigs propulsent les seventies dans le futur

29 avril 2024 à 07:00

En huit ans de carrière, les Lemon Twigs ont largement confirmé tous les espoirs suscités par leur premier album, l’époustouflant Do Hollywood (2016). Si Brian et Michael D’Addario ont parfois cédé à certains excès de leur âge (concepts barrés, looks improbables, audacieux mélange des genres), leur musique, elle, n’a jamais pâti de cet esprit fantasque qui fait leur force.

Rares sont les artistes aussi jeunes et aussi prolifiques qui parviennent à nous épater à chaque nouvelle sortie. C’est encore le cas de leur nouvelle livraison, A Dream Is All We Know. Sur la pochette, les deux frères nous fixent, impassibles, l’un debout, l’autre la tête en bas dans la posture du poirier – on peut y voir une métaphore de leur propre musique, capable des pirouettes les plus acrobatiques mais qui retombe toujours sur ses pieds.

Des Byrds aux Zombies en passant par le tandem Lennon/McCartney

Le ton est donné dès l’inouï premier single, My Golden Years, bijou power pop qui ouvre ce cinquième LP inspiré. Les deux chanteurs, compositeurs et multi-instrumentistes y célèbrent un âge d’or, ces années bénies qu’ils sont en train de vivre à fond et qui passent en un clin d’œil.

Leurs héros ne sont pas difficiles à deviner, des Beach Boys à Big Star, des Byrds aux Zombies en passant par le tandem Lennon/McCartney. Pourtant, les Lemon Twigs n’ont jamais fait dans le pastiche poussiéreux, ni dans l’hommage trop scolaire – on sent leur respect, leur admiration pour ces légendes, mais aussi le grain de folie de deux vingtenaires new-yorkais pour qui la musique est autant une passion qu’un jeu.

Des mélodies accrocheuses, des guitares qui carillonnent, des harmonies vocales célestes et des instrumentations luxuriantes

Douze morceaux s’enchaînent ainsi en un peu plus de trente minutes. Avant de se conclure par des riffs glam rutilants sur Rock On (Over and Over), les pépites s’enchaînent, portées par des mélodies sans cesse accrocheuses, des guitares qui carillonnent dans nos cœurs, des harmonies vocales célestes et des instrumentations luxuriantes (on privilégie ici le vintage au digital).

Plusieurs musicien·nes viennent leur prêter main-forte, dont Sean Ono Lennon à la basse et à la coproduction d’une chanson (tout le reste a été produit par la fratrie D’Addario), le tendre slow In the Eyes of the Girl, qui aurait pu sans rougir être une face B des Beach Boys. On leur souhaite de prolonger encore longtemps ces good vibrations enchanteresses.

A Dream Is All We Know (Captured Tracks/Modulor). Sortie le 3 mai.

“All Born Screaming” de St. Vincent, ou l’autoportrait d’une musicienne en feu

24 avril 2024 à 06:00

Voilà plusieurs albums que St. Vincent dissipe certains malentendus qui ont accompagné ses débuts. À celles et ceux qui ont pu la juger trop arty pour plaire au grand public, ou qui ont pris sa pudeur pour de l’insensibilité, elle répond avec sa meilleure arme : sa musique. Après le fabuleux Daddy’s Home il y a trois ans, chaleureux recueil d’inspiration seventies, la chanteuse, compositrice et musicienne est devenue la First Lady du rock américain indépendant.

Il n’est pas donné à tout le monde de parvenir à surprendre encore sur un septième album, dix-sept ans après l’inaugural Marry Me. C’est pourtant son cas sur All Born Screaming. Le premier extrait, Broken Man, basé sur un riff industriel dévastateur, happe comme un cri du cœur. Le clip, réalisé par l’artiste conceptuel Alex Da Corte, montre St. Vincent en pleine combustion spontanée, dévorée par des flammes qu’elle tente d’éteindre.

Un feu sacré né au Prado de Madrid

Cette image forte orne aussi la pochette du disque. Ce concept leur est venu alors qu’ils visitaient ensemble le musée du Prado, à Madrid. “Dans la salle Goya, nous raconte St. Vincent, on a vu Saturne dévorant un de ses fils, avec cette folie dans son regard, et Le Sabbat des sorcières, tous ces tableaux sombres qui semblaient faire tomber la température de plusieurs degrés ! On s’est regardés et on s’est dit : ‘Voilà l’énergie de ce disque.’ Ensuite, j’ai évidemment approfondi tout ça, mais la palette de base était là : du noir et du blanc associés aux couleurs du feu. La vie elle-même est une danse avec le feu, avec les forces de la création et de la destruction.”

Le cinéaste britannique Steve McQueen [Shame, Hunger], avec qui elle échange régulièrement par téléphone, a lui aussi été une source d’inspiration quand elle a façonné et produit seule cet album. “Ça a été un vaste processus d’élagage, explique-t-elle. J’ai retiré tout ce qui était superflu pour retrouver l’état brut, ce qui existe au sous-sol de moi-même. En tant qu’artiste, on se doit d’aller aussi loin, aussi profondément que possible. J’ai travaillé d’arrache-pied pour trouver mon champ lexical sonore.”

“Perdre des proches, ça clarifie tout. C’est là qu’on comprend ce qui compte.”

Des morceaux intenses témoignent de cette démarche, agrémentés de rythmes electro brutaux ou de guitares électriques sous haute tension. Une équipe all-star l’a accompagnée à divers instruments, dont Stella Mozgawa de Warpaint, Dave Grohl des Foo Fighters, ou l’immense Cate Le Bon. On lui demande ce qu’elle veut dire quand elle déclare que cet album a été fabriqué “au bord du précipice entre la vie et la mort” : “Perdre des proches, ça clarifie tout. C’est là qu’on comprend ce qui compte.”

Malgré ses envies d’extrême et cette conscience du caractère éphémère de la vie, St. Vincent poursuit son épanouissement avec audace et vitalité. Elle gagne encore plus en élasticité dans son songwriting – on pense parfois aux mélodies virevoltantes de Tori Amos, tandis que l’élégant et hollywoodien Violent Times pourrait facilement passer pour un générique de James Bond. Comme le faisait remarquer le dernier titre de la franchise 007, Mourir peut attendre.

All Born Screaming (Total Pleasure Records/Virgin Music France/Universal). Sortie le 26 avril.

Chant cotonneux, synthés incisifs et rythmiques electro : Ride est de retour

26 mars 2024 à 07:00

Avec Interplay, le troisième album depuis leur reformation et le septième de leur carrière, les Anglais de Ride prouvent une nouvelle fois leur pertinence face à la jeune génération d’artistes qui les idolâtrent (DIIV et Bdrmm en tête). Leurs retrouvailles qui, à l’origine, n’avaient pour but qu’une simple série de concerts en 2015, ont relancé leur créativité avec panache, comme on a déjà pu le constater sur Weather Diaries (2017) et This Is Not a Safe Place (2019). Souvent résumé à son iconique tandem de chanteurs-guitaristes, Mark Gardener et Andy Bell, Ride souligne ici la force du collectif. Les premières sessions en studio, jugées décevantes, ont plongé le quatuor originaire d’Oxford dans une impasse.

Andy Bell raconte dans un communiqué le rôle crucial qu’ont joué le batteur Loz Colbert et le bassiste Steve Queralt qui, pour trouver un nouvel élan, ont proposé des demos composées chacun dans leur coin. Celles-ci sont devenues la colonne vertébrale d’Interplay (“interaction”, en VF), dont le titre est justifié par Andy Bell : “Le disque fait vraiment penser à une bonne interaction entre les quatre membres qui font jouer leurs atouts et qui apportent leurs contributions uniques pour faire un disque qui s’avère à la fois frais et reconnaissable pour Ride.”

Des élans mélancoliques à la New Order

Sur les douze morceaux, ces pionniers du mouvement shoegaze n’ont pas choisi de se réinventer, mais simplement de rester fidèles à un son qui leur ressemble : des guitares bien en avant, un chant cotonneux, des synthés incisifs… Sur certains titres, en particulier le percutant Monaco, les rythmiques empruntées à l’electro leur apportent un punch qui contrebalance les élans mélancoliques, façon New Order ou Electronic.

Ailleurs, sur les ensorcelants I Came to See the Wreck et Midnight Rider, on pense parfois à Depeche Mode pour la noirceur blues entremêlée à des beats implacables. Cette façon de repousser le rock dans ses retranchements, ou de le concasser pour mieux le reconstruire, fait toujours plaisir à entendre.

Saluons l’exigence de ce groupe qui n’a pas hésité à prendre son temps (cinq ans se sont écoulés depuis sa précédente sortie) pour être complètement satisfait de la qualité de ses chansons. Avec cette attitude, Ride ne sera jamais obsolète.

Interplay (Wichita Recordings/PIAS). Sortie le 29 mars.

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