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Percutant et accrocheur, Arab Strap ne fait pas ses 30 ans de carrière

6 mai 2024 à 07:00

I’m Totally Fine with It Don’t Give a Fuck Anymore pourrait figurer parmi les titres les plus démissionnaires de l’histoire de la pop. Pourtant, loin du je-m’en-foutisme tranquille que l’on pourrait imaginer, ce nouvel album est un brûlot qui joue des coudes pour s’extirper de son passé et bousculer son époque. Et quel passé !

Alors qu’Arab Strap achève une tournée célébrant le vingt-cinquième anniversaire de Philophobia (1998), monument romantique écorché qui soignait le manque d’amour et le sexe triste à grand renfort de bière tiède et de dope premier prix, le groupe choisit de ne plus regarder dans le rétro pour se concentrer sur son avenir. Tous crocs dehors, Aidan Moffat et Malcolm Middleton envoient riffs lourds et textes mordants prononcés avec l’accent de Glasgow, beaux comme une lande foudroyée.

Un immanquable mélange de rock, d’electro et de folk

Revitalisé comme jamais, Arab Strap ose le mélange des styles (rock, electro et folk) et aborde intelligemment la question de notre humanité dans un monde hyperconnecté et complotiste, sans jamais sonner comme de vieux réacs sentencieux. Séparé, puis réuni de nouveau, le duo écossais regarde droit devant lui, et on le suit les yeux fermés. Percutant et accrocheur, ce disque s’impose aisément comme l’un des immanquables de ce début d’année.

I’m Totally Fine with It Don’t Give a Fuck Anymore (Rock Action Records/PIAS). Sortie le 10 mai.

Avec “Speed It Up”, Lord$ fait valser les étiquettes, du jazz à la pop en passant par le funk

26 avril 2024 à 06:00

Vous pouvez ranger vos grillz plaqués or, Lord$ n’est pas un groupe de mumble rap d’Atlanta mais une formation pop tricolore débusquée et signée par l’excellent label de Bertrand Burgalat, Tricatel. Formé en 2021, Lord$ regroupe cinq musiciens (Bastien Bonnefont, l’ex-batteur de Catastrophe, Rémi Klein, Jay Adams, Zablon et Gary Haguenauer) qui respectent les codes du label : inventivité musicale et style assuré.

Si leurs itinéraires d’instrumentistes chevronnés et biberonnés au jazz pourront faire fuir le premier rockeur venu, ces jeunes musiciens s’en cognent et préfèrent faire valser gaiement les étiquettes, du jazz à la pop en passant par le funk et le prog rock.

Le groupe explose le high score dans nos cœurs

Lord$ est une entité plurielle, aussi libre que créative. Le talent mélodique est là, nourri d’influences telles que Louis Cole, Tyler, The Creator, Thundercat ou Jacob Collier… et les jeux vidéo. Geek alert : le quintette a d’ailleurs récemment créé son propre jeu vidéo, Try Again (disponible gratuitement sur Steam), façon retrogaming, afin de faire la promotion de son dernier EP. Avec ce premier album, le groupe fait encore plus fort et explose le high score dans nos cœurs. Level up!

Speed It Up (Tricatel). Sortie le 26 avril.

“Festina Lente” : le groupe Dog Park prend son temps et c’est captivant

17 avril 2024 à 16:01

Si Paris n’est plus réellement une fête, ses rues (et salles de concert) favorisent encore les belles rencontres à l’international. Paris, c’est la ville où Erica (Américaine déjà croisée au sein du duo Spécial Friend), Isabella (Brésilienne connue sous l’alias Green Catani), Jean et Sarah (musiciens tous deux Français) concrétisent le désir de jouer ensemble en créant Dog Park, en 2021.

À la scène comme en studio, le quatuor envoie valser les étiquettes : pas de leader, ni de rôle gravé dans le marbre. Les membres de la formation lo-fi s’échangent d’ailleurs librement les instruments en cours de set, tout en conservant une musique à l’identité marquée. Le groupe porte en toute simplicité sa mélancolie naturelle. Les amateurs de Veronica Falls, Beach House ou Real Estate resteront en terrain connu.

Sensible et noisy

L’adage latin Festina Lente (“Hâte-toi lentement”), qui a donné son nom à ce premier album, illustre parfaitement ces voyages quasi immobiles vécus par l’auditeur à l’écoute de ces 10 titres. Un oxymore idéalement trouvé pour évoquer la dream pop du quatuor : sensible tout en étant parfois noisy et débraillée, lente mais avançant inexorablement droit vers le cœur.

C’est la promesse d’une fête lente donc, à la fois fin et commencement. Belle et poétique comme la dernière danse d’un couple tournant au ralenti dans le bleu terne de la première aube ou la rencontre de parfaits étrangers soudés par un rendez-vous dans un parc à chiens. Un éloge de la lenteur, ainsi qu’un avertissement (hérité du père d’Isabella) contre l’intensité comme puissance organisatrice du monde, où vivre le plus vite et fort possible représente un idéal contemporain, mais aussi une nouvelle prison. Dog Park a choisi d’avancer à son rythme, et on les suit les yeux fermés. Il s’en passe décidément des choses dans ce parc à chiens.

Andy Bell de Ride : “‘Interplay’, c’est notre bilan de la pandémie”

2 avril 2024 à 11:13

Pour la majorité des fans de noisy pop, Ride a fait figure de révélation à plus d’un titre. En sus d’inventer des hymnes à la pelle, ils furent parmi les premiers à prouver qu’il était possible de séduire avec une frange de cheveux dans les yeux, des pulls informes, tout en regardant ses chaussures. Formé en 1988 à Oxford par Andy Bell, Mark Gardener, Stephan Queralt et Laurence “Loz” Colbert, Ride marque profondément les esprits avec Nowhere, en 1990, premier album en forme de coup de maître. Posterboys pour étudiantes tout autant que poètes de la ruine de l’Angleterre, chantres du spleen adolescent et fêtards invétérés, les Anglais réussirent un mélange musical fait de guitares incisives, d’harmonies aériennes et de rythmes puissants.

Entre 1990 et 1992, les quatre de Ride s’installent sur le trône britannique, mais la chute n’en sera que plus rude. Les Anglais se prennent définitivement les pieds dans le tapis rouge à la sortie de Tarantula, leur quatrième et dernier album avant la séparation en 1996, puis la reformation en 2017. Cinq ans après This Is Not a Safe Place, Ride est de retour avec un septième album studio, Interplay, qui nous replonge la tête contre leur délicat mur du son tout en saturation. Entretien avec Andy Bell, cofondateur du groupe, dans la pénombre d’un boudoir d’hôtel.

Quand et pourquoi vous êtes-vous décidé à faire ce nouvel album ?
Andy Bell Nous remémorant les bons souvenirs de la tournée européenne de notre précédent album, This is Not a Safe Place, on souhaitait enchaîner rapidement sur un EP. Celui-ci ne verra jamais le jour, mais nous sommes partis faire des sessions d’improvisation dans le studio OX4 de Mark (Gardener, ndlr), à Londres. Le processus de création a littéralement débuté en plein milieu de la pandémie. Interplay, c’est notre bilan de la pandémie, pourrait-on dire. Logiquement, celui-ci a pris plus de temps à finaliser que la plupart des albums précédents de Ride. Cela a avancé lentement entre les différents confinements.

Jim Reid des Jesus and Mary Chain a dit un jour que “réaliser un bon disque est un exploit à 22 ans. Le faire à 50 ans, je pense que c’est un petit miracle”
(Il coupe.) Je suis d’accord à 100 % avec Jim ! Je partage aussi ce sentiment, mais je pense que faire ce disque en traversant ces situations durant la vingtaine n’aurait pas été plus facile. C’est parce que nous sommes vieux, têtus et plus sages à la fois que nous avons réussi à sortir ce disque malgré les difficultés. C’est un miracle à deux niveaux, en somme.

Nous n’étions pas psychologiquement prêts, pas assez solides pour gérer ces crises internes et le succès…

Votre manière de composer a-t-elle évolué au fil des albums ?
Oui, le processus d’écriture, nous le modifions toujours un peu. Ainsi, pour ce nouvel album, nous avons décidé de ne partir de rien et de commencer par des jams pendant plusieurs sessions. Nous faisions cela une semaine ou deux, puis nous arrêtions pendant un ou deux mois, tout au long de 2021. Nous nommions ces séances d’après des lieux géographiques que nous aimions. Une manière de nous permettre de voyager en musique pendant les confinements. Puis, nous nous sommes retrouvés dans une impasse. Nous avons alors fait appel à un ingénieur du son, le pauvre Mark bossait sur la console tout en nous préparant à manger. C’est ainsi que Richie Kennedy s’est retrouvé aux manettes de notre album. Il arrivait avec de vraies bonnes idées et poussait l’élan collectif.

Vous n’aviez pas trop de pression sur les épaules avec ce nouvel album ?  
Non, nous n’avions aucune date limite de sortie. Peut-être que Richie Kennedy ressentait une sorte de pression, mais pas nous. La seule forme de pression ressentie venait de l’exigence que nous avions envers nous-mêmes, celle d’avoir toujours des choses pertinentes à raconter.  

Justement, qu’est-ce que cela vous fait d’être toujours ensemble après toutes ces années ?
Sur le plan humain, nous avons beaucoup de chance, nous sommes toujours tous les quatre ensemble, et en bonne santé. Nous avons fait une tournée avec The Charlatans récemment, et je me souviens avoir regardé le groupe sur scène lors du dernier concert, en réalisant les tragédies qu’ils ont traversées après avoir perdu trois de leurs membres. On dit souvent que les rapports deviennent plus difficiles après vingt, trente ans de collaboration. Honnêtement, pour moi, c’est l’inverse. Tout est plus facile que par le passé et je signe sans problème pour dix années supplémentaires si cela est possible.

Cela vous a pris du temps pour soigner les rancœurs liées à votre séparation après l’album Tarantula en 1996 ?
Cela n’a pas pris trop de temps au final. Je pense que les problèmes que nous avions alors étaient surtout liés à notre jeune âge. Nous n’étions pas psychologiquement prêts, pas assez solides pour gérer ces crises internes et le succès… Nous ne réalisions peut-être pas à quel point nous étions proches l’un de l’autre avec Mark. Alors, oui, ce fut intense et violent, mais six mois après notre séparation, j’ai croisé Mark pour récupérer un truc quelconque chez lui ; nous étions assez nerveux de nous revoir, mais, très vite, nous avons décidé de tirer un trait sur les rancunes passées et de passer à autre chose.

Avec le recul, quelle a été la dispute la plus ridicule que vous n’ayez jamais eue au sein du groupe ?
En 1993, quand j’ai lancé haut et fort : Je ne veux pas que mes chansons figurent sur la même face du disque que les vôtres. Et tout ça, bien sûr, sur ce qui devait être Carnival of Light. (Rires) 

Carnival of Light, dont le titre est un hommage aux Beatles.
Oui. Ils avaient composé ce morceau, Carnival of Light, qui n’est jamais sorti nulle part. Un vrai mystère.

Quelles ont été vos principales sources d’inspiration pour ce nouvel album ?
Je réalise qu’il n’y a eu que peu d’influences extérieures qui ont modelé Interplay. Par le passé, je me souviens avoir vu une exposition du peintre Jean-Michel Basquiat, qui m’avait inspiré tout un tas de chansons pour notre disque précédent, This Is Not a Safe Place. Rien de tel cette fois. Nous avons réalisé que c’était un album centré sur le fait d’interagir ensemble, d’où le titre. Cela parle avant tout de notre capacité à travailler tous les quatre, inlassablement, malgré des circonstances parfois difficiles.

Dans vos textes, vous évoquez souvent l’insatisfaction face à la vie moderne. Vous considérez-vous comme pessimiste ou gardez-vous l’espoir d’un avenir meilleur ?
Je reste optimiste. Je pense que Mark est le plus pessimiste du groupe. Certains de ses textes sont assez sombres, tout en possédant un côté lumineux. Pour ma part, j’essaie de voir le bon côté des choses. C’est une qualité, je crois.

Quels sont les paroliers, les “storytellers” qui vous ont le plus marqué ?
Il y tant de paroliers que j’aime… Quand j’étais adolescent, j’adorais les Smiths. Morrissey est peut-être le premier auteur dont j’ai réellement creusé l’écriture. Je trouvais ses paroles vraiment drôles, mais à 14-15 ans je ne comprenais pas encore le sens profond de certains textes. Cela ajoutait du mystère au charme et à l’humour. Il y a aussi Robert Smith, peut-être le parolier auquel j’aspire le plus à ressembler : ses textes sont tellement purs et émouvants. Mon principal objectif est de toucher émotionnellement et durablement l’auditeur.

Y a-t-il encore des disputes dans le groupe ? Absolument. Mais, la différence est que nous arrivons à passer outre assez rapidement.

Quels sont les meilleurs souvenirs qui vous reviennent de la tournée anniversaire de Nowhere ?
Pour tout te dire, mon plus grand souvenir fut de regarder la finale de la Coupe du monde de football qui tombait le même soir (le 18 décembre 2022, avant leur concert en clôture des Inrocks Festival à l’Élysee-Montmartre, ndlr). Nous étions douze, serrés devant l’écran d’un téléphone, pour suivre le match France-Argentine. Rejouer Nowhere me renvoie totalement dans le passé. J’aime rendre visite à ce jeune homme que j’étais, lui parler et entendre ce qu’il a à dire. C’est drôle parce que ce sont les chansons de Nowhere qui restent parmi les plus aimées.

Avez-vous l’impression de vous être adouci avec l’âge ?
Oui, je me suis définitivement adouci. Est-ce une mauvaise chose ? Non. Y a-t-il encore des disputes dans le groupe ? Absolument. Mais, la différence est que nous arrivons à passer outre assez rapidement. Lors de nos retrouvailles, Mark et moi avons décidé qu’en cas de futur désaccord, nous devions percer l’abcès au plus vite avant que les vrais ennuis ne débutent. Nous avons une étonnante capacité à nous dire des choses terribles, pour les oublier ensuite. Cela s’est produit plusieurs fois au début de l’enregistrement de l’album, mais nous blâmions les tensions extérieures, et passions à autre chose.

Quel est le moment dont vous êtes le plus fier au cours des trente dernières années avec Ride ?
Ce ne sera pas original, mais je pense que sortir Nowhere est ce dont je suis le plus fier. Nous avons réussi quelque chose de spécial avec cet album, qui semble encore résonner aujourd’hui, ce qui est vraiment, vraiment incroyable.

Enfin, les années Creation Records vous manquent-elles ?
Ce label était tellement brillant. Et rien de ce que j’ai lu dans les livres ou vu dans des documentaires consacrés aux années Creation Records ne ressemble vraiment à ce que je ressentais à l’époque. Cela vous fait réaliser que chacun vit dans son propre film. Ma perception de l’époque Creation sera très différente de celle de Bobby Gillespie, par exemple. Quand nous avons signé notre contrat, nous étions si jeunes. J’avais 19 ans et je venais à peine de sortir de l’école. Le matin, nous avions ces réunions avec l’incroyable Alan McGee. Vers le milieu de l’après-midi, le bureau commençait à se transformer en club. Le bureau du label était un lieu de fêtes. Les années passent, tu fréquentes d’autres labels, et c’est en regardant en arrière que tu réalises combien Creation était spécial, dans son rapport au business de la musique, à la convivialité. Primal Scream était le groupe avec lequel nous traînions le plus dans les locaux. J’avais l’habitude de trouver un coin tranquille avec Bobby et de parler probablement du groupe Love pendant que la musique était à fond et que tout le monde hurlait dans tous les coins.

Interplay (Wichita Recordings/PIAS). Sorti depuis le 29 mars 2024.

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