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À partir d’avant-hierCinéma – Les Inrocks

Cannes 2024 : un court métrage de Judith Godrèche rejoint la Sélection officielle

Par : Arnaud Combe
7 mai 2024 à 16:00

Intitulé Moi aussi, le court métrage de Judith Godrèche sera présenté lors de la cérémonie d’ouverture d’Un certain regard, en salle Debussy du Palais des festivals et au Cinéma de la plage, en accès libre, le 15 mai.

La force du collectif

Devenue fer de lance de la lutte contre les abus sexuels dans le cinéma français, Judith Godrèche poursuit son sillon militant avec son nouveau court métrage, inspiré de témoignages de victimes. Moi aussi est décrit par le festival comme un film “en forme d’œuvre chorale composé de récits personnels énoncés par fragments et met en scène ce chemin âpre, mais salvateur, de la douleur sans mots au début d’une libération par la parole”

Moi aussi, un court métrage inédit de Judith Godrèche présenté à #Cannes2024 !

L'actrice signe une œuvre chorale qui met en lumière les récits de victimes de violences sexuelles.

Le Festival de Cannes fera résonner ces témoignages le 15 mai, lors de la cérémonie d’Ouverture du… pic.twitter.com/KTr7ZDIzoc

— Festival de Cannes (@Festival_Cannes) May 7, 2024

“Emmanuelle” d’Audrey Diwan sera dévoilé au Festival de Saint-Sébastien

Par : Arnaud Combe
7 mai 2024 à 13:59

Alors qu’il était fortement pressenti pour faire sa première au Festival de Cannes, Emmanuelle d’Audrey Diwan sera finalement présenté en ouverture de la 72e édition du Festival de Saint-Sébastien durant lequel il concourra en compétition.

Un film à histoires

Après l’adaptation du récit d’Annie Ernaux, L’Événement, avec laquelle elle décrochait le Lion d’or en 2021, c’est vers le roman culte d’Emmanuelle Arsan, que la cinéaste a jeté son dévolu avec Noémie Merlant dans le rôle-titre.  

Coécrit en anglais avec la réalisatrice et scénariste Rebecca Zlotowski, Emmanuelle suit l’histoire d’une femme à la recherche du plaisir perdu. Un voyage d’affaires à Hong Kong occasionnera plusieurs rencontres, dont une avec Kei, un homme qui lui échappe constamment. Naomi Watts, Will Sharpe (The White Lotus), Jamie Campbell Bower (Stranger Things), Chacha Huang, Luàna Bajrami et Anamaria Vartolomei graviteront autour de l’actrice française.  

Emmanuelle d’Audrey Diwan. En salles le 25 septembre 2024.  

Kristen Stewart et Oscar Isaac formeront un couple vampirique dans “Flesh of the Gods”

Par : Arnaud Combe
7 mai 2024 à 13:02

Il y a douze ans, le personnage vampirique Bella Swan dans la saga culte, Twilight (2008-2012) propulsait la carrière de Kristen Stewart. Cette année, l’actrice américaine (que l’on verra prochainement à l’affiche de Love Lies Bleeding, une romance lesbienne sur fond de vengeance façon Thelma et Louise), renoue avec les vampires dans un film du réalisateur canadien Panos Cosmatos (Mandy) et dans lequel elle troque Robert Pattinson contre Oscar Isaac. 

De retour chez les créatures nocturnes

Intitulé Flesh of the Gods, le film suit un couple marié, Raoul (Oscar Isaac) et Alex (Kristen Stewart), qui quitte chaque soir sa vie luxueuse pour s’amuser dans le monde de la nuit de Los Angeles jusqu’à une rencontre avec une mystérieuse femme qui les entraîne dans un monde surréaliste et glamour d’hédonisme.

Sandra Hüller et Willem Dafoe partageront l’affiche de “Late Fame”

7 mai 2024 à 12:28

Alors qu’il travaille comme scénariste sur les projets bibliques de Martin Scorsese, Kent Jones prépare également son prochain film en tant que réalisateur. Pour Late Fame, il s’entoure ainsi de la scénariste de May December, Samy Burch, et des acteur·ices Sandra Hüller (récemment aperçue dans Anatomie d’une chute et La Zone d’intérêt) et Willem Dafoe (Pauvres Créatures), d’après Variety.

Émotions promises

Décrit comme “méchamment ironique et étonnamment poignant”, le film suit Ed Saxberger, un poète dont personne ne se soucie, interprété par Willem Dafoe. Tout bascule lorsqu’un groupe de jeunes artistes redécouvre son œuvre. Parmi ceux·celles-ci, Gloria (Sandra Hüller) est une comédienne de théâtre talentueuse, qui souhaite être admirée par l’auteur et devenir sa muse. Le film, qui explore ainsi “l’effet illusoire des louanges” et la renommée tardive, sera tourné à l’automne 2024, à New York.

Pourquoi “Un p’tit truc en plus” est-il une gigantesque surprise au box-office ?

7 mai 2024 à 10:06

280 000 entrées : le meilleur premier jour pour un film français depuis Bienvenue chez les Ch’tis, nettement devant Intouchables et Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu qui avaient respectivement terminé leurs carrières à 19 et 12 millions de tickets vendus. Il est trop tôt pour dire jusqu’où le bouche-à-oreille mènera le premier film d’Artus, mais il est déjà certain qu’il ira loin, et pas si irréaliste de l’imaginer franchir la barre symbolique des 10 millions, à laquelle la fragmentation des publics (tangible sur cette sortie colossale en région mais très discrète à Paris – une douzaine de spectateur·ices à notre séance) avait donné ces dernières années une réputation de totem d’un ancien âge d’or désormais inatteignable. Le million est déjà atteint au terme de sa première semaine d’exploitation et la pauvreté de l’agenda blockbusters devrait inciter les multiplexes à se ruer dessus.

Pourquoi ? Comment ? Sans star porteuse (Artus n’a jamais excédé de beaucoup le million comme acteur et ses deux comédies de 2023, Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée et 38,5° quai des Orfèvres, ont fait de graves bides) ni superstructure de promotion (pas de grand groupe de distribution pour se ruiner en affichage), le hit ne peut pas non plus s’expliquer par la seule force de son sujet, le handicap – argument tentant mais qui n’a pas par exemple sauvé de la déception commerciale un film relativement voisin comme Hors normes de Nakache et Toledano.

Pied d’égalité

Les succès sont toujours multifactoriels et on ne saurait penser isolément la thématique, son traitement feel good, la netteté du pitch, les faveurs de la météo (pas bientôt fini ce temps de mars ?). Toujours est-il qu’Un p’tit truc en plus, s’il est une éclatante surprise, n’en est pas une si mauvaise. La purge vivrensembliste que l’on craignait, tramée de démonstrations compatissantes sur la valeur humaine des handicapé·es mentaux, leur sagesse et leur attendrissante sincérité ; bref, cet enfer noyé sous des tombereaux de bonnes intentions et de superficielles invitations à “changer de regard sur le handicap” n’est somme toute pas vraiment le film que nous avons vu, et il est plutôt heureux que l’archange du box-office ait mystérieusement déposé son index sur celui-ci plutôt que sur des abominations faussement bienveillantes comme les films de Louis-Julien Petit.

Ce qu’Artus réussit, c’est précisément à bien regarder ses personnages en les envisageant véritablement à égalité avec les valides, c’est-à-dire sans aucune espèce de retenue timorée dans la caricature, mais sans leur refuser pourtant un centimètre de terrain sur le plan de l’écriture, des possibilités de fiction, des facettes déployées par leurs personnages. L’un ne va en réalité pas sans l’autre, les deux se monnayent mutuellement, et le film pourrait ainsi multiplier les outrances, tant qu’il tiendrait cette ligne : ne jamais penser ses personnages de handicapé·es comme les fonctionnalités unidimensionnelles d’un récit gravitant autour de la star. Un détail qui n’en est pas un : très tôt les handicapé·es démasquent l’intrus, seules les éduc’ spé se font berner. C’est un vrai levier de comédie doublé d’une preuve cinglante de respect, posée comme une évidence : bien sûr qu’il n’y a qu’un valide assez con pour croire qu’Artus bavouillant vaguement possède un handicap.

Trouver son clown

Pour le reste, n’exagérons rien : le film n’est pas très drôle, et bâcle outrageusement sa fin en décrétant notamment que la fille tombe dans les bras du héros sans aucune installation préalable : si les handicapé·es sont bien regardé·s, pas sûrs que les femmes le soient autant. Il n’en a pas moins contredit l’adage légendaire de Robert Downey Jr. dans Tonnerre sous les tropiques : never go full retard – ne joue jamais l’attardé pur jus. Artus, ou du moins son personnage (subtile différence qui lui évite tout malaise) y est allé plein pot, et théorise même quelque peu sur la démarche (très drôle scène où il passe subrepticement d’un état de stupéfaction ahurie à la composition de son rôle de faux handicapé, stressant de ne pas “trouver son clown”). N’avoir honte de rien est sans doute, aussi, une clé de son succès.

“La Vie selon Ann”, “L’Esprit Coubertin”, “La Planète des Singes”… Voici les sorties de la semaine !

7 mai 2024 à 09:30

La Vie selon Ann de Joanna Arnow

Génialement tragicomique, le film avance au rythme de saynètes dans lesquelles se déploient un spleen et un malaise abyssaux. À travers la soumission ou la tentative d’une relation “vanille” (conventionnelle), auprès de sa famille ou au travail, Joanna Arnow se confronte à la difficulté du lien à l’autre et à soi-même, à l’ennui aussi, au sens de la vie en somme.

La critique de Bruno Deruisseau

L’Esprit Coubertin de Jérémie Sein

Le film est parfaitement réussi dans le ton, et pourtant totalement cryptique quant à ses intentions : il semble limite buller, mener la barque de son récit au petit bonheur la chance, au gré des humeurs aléatoires de personnages assez bien brossés pour donner à l’ensemble un souffle de tableau vivant.

La critique de Théo Ribeton

La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume de Wes Ball

Plusieurs générations après le règne de César, les singes ont définitivement pris le pouvoir. Les humains, quant à eux, ont régressé à l’état sauvage et vivent en retrait. Alors qu’un nouveau chef tyrannique construit peu à peu son empire, un jeune singe entreprend un périlleux voyage qui l’amènera à questionner tout ce qu’il sait du passé et à faire des choix qui définiront l’avenir des singes et des humains…

La critique d’Arnaud Combe est à venir

Mon pire ennemi de Mehran Tamadon

Dans cette exploration de l’extrême violence psychologique et physique d’un diabolique jeu de manipulation, ce n’est plus seulement la toute-puissance du tortionnaire que le cinéaste questionne.

La critique de Ludovic Béot

Cannes 2024 : découvrez les 20 artistes qui vont faire le Festival

Francis Ford Coppola

S’il n’a pas (loin s’en faut) le box-office de Spielberg, s’il n’a pas su rester implanté et puissant à Hollywood comme Scorsese, Coppola a pour lui d’avoir construit une légende propre à faire rêver, fantasmer les nouvelles générations successives de cinéphiles comme aucun autre cinéaste du Nouvel Hollywood. En sept décennies, son cinéma a connu les cimes de la reconnaissance (pluie d’Oscars pour la saga Le Parrain, deux Palmes pour Conversation secrète et Apocalypse Now) et les gouffres de la faillite. Après douze ans de silence (depuis Twixt), il revient au cinéma avec un nouveau projet pharaonique (budget mirobolant, vente de ses vignobles pour le financer, etc.). Megalopolis devrait raconter l’affrontement entre le maire d’une ville ravagée par une catastrophe naturelle et l’architecte qui œuvre à la reconstruire, la fille de l’un étant aussi la maîtresse de l’autre. Le casting, fou, réunit Adam Driver, Nathalie Emmanuel, Dustin Hoffman, Shia LaBeouf, Jason Schwartzman, Aubrey Plaza… ♦ J.-M. L.

Chiara Mastroianni

Elle compte parmi les actrices françaises le plus souvent en compète à Cannes. Depuis Ma saison préférée d’André Téchiné en 1993, Marcello Mio est le onzième film avec Chiara Mastroianni à y figurer (son deuxième avec Christophe Honoré, deux également avec Arnaud Desplechin et Raoul Ruiz). Dans Marcello Mio, elle est l’interprète d’elle-même, prise dans les rets d’une fiction fantasque qui la voit peu à peu se transformer en son père sous l’œil circonspect de ses proches, également dans leurs propres rôles (Catherine Deneuve, Benjamin Biolay, Melvil Poupaud…). Fabrice Luchini et Nicole Garcia complètent cette étincelante distribution. ♦ J.-M. L.

Miguel Gomes

Abonné depuis deux films à la Quinzaine des cinéastes, le génial réalisateur portugais Miguel Gomes a été promu en Compétition avec son sixième film, Grand Tour. Dans une image noir et blanc et en 16 mm (comme Tabou), celui-ci s’ouvre au sein d’une colonie britannique birmane au début du siècle dernier avant de se déployer en une ambitieuse rêverie spatiotemporelle et un jeu du chat et de la souris au sein d’un couple. Malmené par les confinements pendant la pandémie de Covid, Gomes a eu du mal à achever son tournage aux quatre coins du globe et aurait même dû terminer son tournage à distance. ♦ B. D.

Anya Taylor-Joy

Si Furiosa – Une saga Mad Max (Hors Compétition) veut être à la hauteur de la jouissive démesure du précédent opus, cela sera en partie grâce à l’actrice de la série Le Jeu de la dame, qui reprend le personnage déjà incarné par Charlize Theron. Se déroulant des années avant le récit déployé dans Fury Road, le film suit le déclin du monde à travers l’enlèvement de l’impératrice Furiosa par le terrible Dr. Dementus (Chris Hemsworth). Parabole à haut potentiel écoféministe et film de vengeance spectaculaire, Furiosa secouera le festival au lendemain de son ouverture. ♦ B. D.

David Cronenberg

Deux après Les Crimes du futur, David Cronenberg revient pour la septième fois en Compétition à Cannes. Pour ce qu’on en sait, Les Linceuls promet d’être un récit à la lisière du fantastique sur le processus de deuil, la dégradation biologique de l’organisme humain après la mort et l’élucidation complexe du mystère de la profanation de quelques sépultures. Vincent Cassel (dix-sept ans après sa participation aux Promesses de l’ombre) et Diane Kruger seront les deux protagonistes de ce nouveau film très attendu de l’un des plus grands artistes de ces quarante dernières années. ♦ J.-M. L.

Sophie Fillières

L’an dernier, sur le grand écran de l’Auditorium Louis-Lumière, Sophie Fillières incarnait la marraine de l’enfant malvoyant dans la Palme d’or Anatomie d’une chute de Justine Triet (pour laquelle elle avait déjà été actrice dans Victoria). Mais, étrangement, aucun film réalisé par la cinéaste de Grande Petite et Gentille n’avait été montré à Cannes. Ce sera le cas de Ma vie, ma gueule, film hélas posthume, puisque la réalisatrice a disparu à l’issue de ce tournage et avait confié le montage à ses enfants, Agathe et Adam Bonitzer. Le film décrit, sur le mode de la “mélancomédie” propre à Sophie Fillières, le trajet d’une quinquagénaire qui s’évade des tracas de la vie dans l’Écosse sauvage. ♦ J.-M. L.

Alexis Langlois

S’il y a un premier long métrage que l’on brûle de voir cette année, c’est Les Reines du drame d’Alexis Langlois (Semaine de la critique). Racontant sur trois époques et en chansons l’histoire d’amour impossible entre une star pour ados des années 2000 et une chanteuse punk, le film promet de secouer la Croisette de son souffle trash et queer. Constitué d’un casting comprenant à la fois les habitué·es de ses courts métrages (Raya Martigny, Dustin Muchuvitz, Nana Benamer), de nouveaux et nouvelles venu·es (Bilal Hassani, Alma Jodorowsky, Asia Argento), deux figures de la scène drag (Jean Biche, Drag Couenne) et un duo de comédien·nes principal·es débutant·es (Louiza Aura, Gio Ventura), Les Reines du drame aura également une chance de remporter la Queer Palm. ♦ B. D.

Hunter Schafer

Inoubliable dans la peau de Jules, l’amoureuse à tête d’elfe de Rue (Zendaya) de la série Euphoria, Hunter Schafer fera sa première apparition cannoise dans Kinds of Kindness, le film à sketches de Yórgos Lánthimos, présenté en Compétition. On ignore encore l’envergure du personnage que l’actrice et également réalisatrice de clips (pour Girl in Red ou Anohni and the Johnsons) devra incarner au sein du casting de Pauvres Créatures (Emma Stone, Willem Dafoe et Margaret Qualley) dans cette fable composée en triptyque. ♦ M. D.

Alain Guiraudie

Découvert à la Quinzaine en 2001 avec son moyen métrage Ce vieux rêve qui bouge, en Compétition en 2016 avec Rester vertical, Guiraudie retrouve Cannes avec un film dont les prémices connues ne sont pas sans évoquer l’atmosphère criminelle et épurée de son chef-d’œuvre, L’Inconnu du lac (Un Certain Regard 2013). Après deux films aussi brillants que désarçonnants, sans genre identifiable, Guiraudie signe un véritable retour en force avec cet authentique thriller doté d’une star (Catherine Frot). Dans ce film mêlant retour aux origines familiales, morbidité et chasse à l’homme, il pourra plus que jamais faire étalage de sa part sombre. ♦ T. R.

Demi Moore

Reine du box-office dans les années 1990, la star de Ghost et de Proposition indécente avait vu sa carrière ralentir dans les années 2000. 2024 lui permet un double retour : elle est grandiose en Swan blessée par les gossips vipérins de Truman Capote dans Feud : Les Trahisons de Truman Capote et The Substance, le thriller de la Française Coralie Fargeat (Revenge, 2018), lui permet de fouler pour la première fois le red carpet cannois avec un film en Compétition. ♦ J.-M. L.

Jia Zhangke

Six ans après Les Éternels, Jia Zhangke est de retour en Compétition avec Caught by the Tides, un film titanesque tourné sur près de vingt ans avec Zhao Tao, actrice fétiche et compagne du cinéaste. Organisée autour d’une histoire d’amour passionnel bientôt rompu par la disparition de l’homme, la fresque devrait mêler à son enquête amoureuse une traversée de près de deux décennies de la Chine contemporaine pour en capter les mutations. En dépit de ses cinq précédentes sélections en Compétition, ce très grand cinéaste n’a obtenu jusque-là qu’un Prix du scénario en 2013 pour Touch of Sin. 2024, l’année de la consécration ? ♦ M. D.

Payal Kapadia

Révélée à la Quinzaine des cinéastes en 2021 avec le sublime Toute une nuit sans savoir et récompensée par l’Œil d’or du meilleur documentaire, la cinéaste indienne Payal Kapadia déboule déjà en Compétition avec son second long métrage, All We Imagine as Light. Le film suivra Praba et Anu, deux infirmières qui partent en expédition dans une nature mystique, entre bord de mer et jungle. Alliant registre onirique et réalisme social, il souffle déjà un vent de renouveau sur la Compétition. ♦ B. D.

Richard Gere

Dans un Cannes aux airs de jubilé des barbus du Nouvel Hollywood (Coppola en Compétition, Palme d’honneur pour Lucas), Oh, Canada de Paul Schrader assume le rôle délicat du discours d’adieu. Un vieux documentariste célébré dicte ses souvenirs à un jeune journaliste : la parabole méta-testamentaire est difficilement évitable, et l’on ne pouvait rêver meilleure mesure de sa mélancolie que le beau visage oublié, comme une page craquelée de magazine eighties, de “l’American Gigolo” Richard Gere. ♦ T. R.

Ariane Labed

Membre active de l’Association des acteur·rices (Ada), l’actrice et réalisatrice s’est affirmée ces derniers mois comme une figure de proue du mouvement transféministe et antiraciste à l’œuvre dans le cinéma français. Déjà remarquée avec son précédent court métrage Olla (sélectionné à la Quinzaine des cinéastes en 2019 puis multirécompensé au Festival de Clermont en 2020), Ariane Labed passe au long avec September Says (Un Certain Regard), récit de deux sœurs nées à dix mois d’intervalle que tout oppose, qui s’installent à la campagne avec leur mère bipolaire. Adaptation de Sœurs, un roman de Daisy Johnson, le film sera l’occasion de retrouver l’actrice Rakhee Thakrar (Sex Education, Wonka). ♦ B. D.

Quentin Dupieux

Tout sourit au cinéma de Quentin Dupieux. En moins d’un an, le réalisateur le plus prolifique du monde vient d’enchaîner ses deux plus grands succès publics (Yannick, 450 000 entrées, Daaaaaalí!, 480 000) et obtient la case la plus médiatiquement exposée du festival : l’ouverture. Le premier acte de cette 77e édition s’intitulera donc malicieusement Le Deuxième Acte, un film au casting très Cannes-friendly puisque composé de Vincent Lindon, Léa Seydoux et Louis Garrel. Avec à leurs côtés le plus novice mais déjà très prisé Raphaël Quenard. ♦ J.-M. L.

Laetitia Dosch

À l’affiche du Roman de Jim des frères Larrieu présenté à Cannes Première, Laetitia Dosch foulera également le sol de la Croisette en tant que réalisatrice du côté d’Un Certain Regard. Après un cheval dans son spectacle Hate (Tentative de duo avec un cheval), c’est cette fois-ci un chien qui retiendra toute l’attention de son premier long dans lequel l’actrice, révélée par La Bataille de Solférino de Justine Triet, avec laquelle elle partage une certaine sympathie pour les canidés (Anatomie d’une chute bien sûr, mais aussi Victoria), incarne Avril, avocate impliquée dans la défense d’un chien “récidiviste”. ♦ M. D.

Barry Keoghan

Sa hype ne cesse de croître, ses manières de titi dublinois et ses rôles de vauriens se muent peu à peu en partitions grand style et en incarnations retorses (Saltburn). Dans Bug, en Compétition, Andrea Arnold l’emmène sur un terrain à mi-chemin entre le réalisme social et la fable, dans une Angleterre déclassée mais rehaussée d’une aura de conte avec son personnage tout tatoué d’insectes. Un rôle taillé sur mesure pour ce Dickensien suspendu entre le caniveau et l’imaginaire, avant sa consécration dont rêvent tous les cabotins : il sera le Joker du prochain Batman. ♦ T. R.

Noémie Merlant

Si le vide laissé par l’arrêt du cinéma d’Adèle Haenel reste immense, Noémie Merlant est sans doute l’actrice française qui incarne le mieux les combats de celle avec qui elle partage l’affiche de Portrait de la jeune fille en feu. C’est justement la réalisatrice de ce film, Céline Sciamma, qui a écrit avec elle le scénario des Femmes au balcon (Séance de minuit), le second long métrage de Noémie Merlant en tant que cinéaste après Mi iubita, mon amour (Cannes 2021). Ce nouveau film promet d’être une comédie horrifique et féministe se déroulant en pleine canicule à Marseille. Elle incarne aussi le rôle éponyme dans Emmanuelle d’Audrey Diwan, qui devrait sortir courant mai, mais dont on ne sait pas à l’heure où nous écrivons ces lignes si il sera montré sur la Croisette. ♦ B. D.

Zoe Saldaña

Qu’est-ce qui est le plus étonnant : que Zoe Saldaña détienne le record mondial du box-office cumulé (grâce à ses rôles de Neytiri dans Avatar et de Gamora dans Les Gardiens de la galaxie et Avengers), malgré une notoriété individuelle plus modeste que les superstars qui le lui disputent, ou qu’elle ait jusqu’ici aussi peu intéressé le cinéma d’auteur·rice ? Tête d’affiche du film de tous les paris, Emilia Perez, un croisement de cartel movie et de comédie musicale signé Jacques Audiard, l’actrice entre par la grande porte dans une arène où elle peut enfin cesser d’être l’actrice que l’on feignait de ne pas voir. ♦ T. R.

Ben Whishaw

Après Emmanuel Carrère et son Limonov, c’est à Kirill Serebrennikov, de retour à Cannes (La Femme de Tchaïkovski, 2022), de dessiner les mille visages de l’écrivain russe, catalyseur des métamorphoses contemporaines de son pays. Et à Ben Whishaw d’en incarner les multiples facettes (voyou en Ukraine, idole de l’underground soviétique sous Brejnev, clochard puis valet de chambre d’un milliardaire à Manhattan, écrivain branché à Paris, soldat perdu dans les guerres des Balkans) et, qui sait, de décrocher un prix d’interprétation. ♦ M. D.

Édouard Louis : “Dans ‘Mystery’, tout est haletant, haché, intermittent, comme l’amour”

7 mai 2024 à 08:41

“Il était difficile pour moi de choisir parmi les films de Lou Ye, tellement chacun d’entre eux m’a marqué : Suzhou River, Nuits d’ivresse printanière… Mais Mystery a sans doute été le plus fort, et l’un des films les plus importants de ma vie. C’est par ce dernier que j’ai éprouvé pour la première fois à quel point la forme esthétique d’une œuvre –  film, livre – portait l’histoire qu’elle raconte et la menait à la perfection, si et seulement si la forme en question épousait totalement le récit qu’elle tente de dire – et donc, qu’une œuvre ne peut être grande qu’à la condition de déconstruire, dans son exécution même, l’image de ce qu’est la forme en art, de ce qu’est une réussite formelle, puisque chaque histoire est différente et mérite en ce sens sa propre forme, ses propres innovations formelles.

Mystery est un film qui parle d’une mort, de plusieurs morts, d’une double vie, d’une enquête, d’un amour haletant et torturé, de la Chine qui se transforme à un rythme effréné. Tout, dans les choix formels du film, raconte quelque chose de ces sujets : les mouvements de caméras vifs, brutaux, rapides, tantôt lointains, tantôt ultra-resserrés, les coupes soudaines d’un plan à un autre. Tout va vite dans Mystery, tout y est haletant, haché, intermittent, comme l’amour, comme les étapes d’une enquête policière, comme la vitesse vertigineuse des transformations de la Chine contemporaine.

À mon sens, certains romans sont illisibles dans la mesure où ils reconduisent une forme esthétique ancienne et qu’ils l’appliquent à des histoires nouvelles. Combien de romans aujourd’hui ressemblent encore à ceux de Zola, avec leurs chapitres bien sages, leur développement de la psychologie du personnage, les dialogues, les 400 pages pour que le livre ne soit ni trop épais ni trop mince ? Toutes ces choses révolutionnaires à l’époque de Zola sont devenues vides avec le temps. De la même manière, certains films, de ce qu’on a appelé l’âge d’or d’Hollywood, sont devenus irregardables parce qu’ils étaient le fruit d’un cinéma industriel, produit en série, avec chaque fois les mêmes codes, les mêmes structures dans lesquelles on insérait des histoires différentes – qu’on pense par exemple à Certains l’aiment chaud, insupportable à mourir en dépit du génie absolu de Marilyn Monroe.

Une manière de dire inédite

Mystery de Lou Ye, comme ses autres films, emprunte la direction opposée et propose une autre manière de dire, inédite. Bien sûr, ce que je décris ici est presque une évidence, et c’est ce qu’ont fait tous les grands noms du cinéma, chacun inventant des formes nouvelles et inconnues : Gus Van Sant, Jane Campion, Lav Diaz, Apichatpong Weerasethakul, plus récemment Saeed Roustaee avec Leila et ses frères.

Mais la première fois que j’ai ressenti cette singularité aussi profondément, c’est en découvrant Mystery – et savoir n’est pas ressentir. C’est pour cela que ce film a été aussi important, et qu’il est, en un sens, le film de ma vie.”

Monique s’évade d’Édouard Louis (Seuil). En librairie.

Mati Diop : “‘Les Bruits de Recife’, un film de fantômes extralucide” 

7 mai 2024 à 08:33

“Je repense souvent aux Bruits de Recife de Kleber Mendonça Filho, dont mon souvenir est vague et précis à la fois, comme un cauchemar sans image mais dont le goût et la trace demeurent intactes. Quand j’étais en préparation de mon premier long métrage Atlantique [2019], à Dakar, j’avais avec moi un disque dur d’une cinquantaine de films. C’est le seul que j’ai eu le désir de revoir une fois au travail, qu’il faisait sens de regarder ici.

Le quartier de Yoff (où j’ai tourné la scène d’effraction des filles possédées dans la villa du boss du chantier) ressemble étonnamment à l’atmosphère moite et inquiétante des rues de Recife filmées par Kleber Mendonça Filho. Nos films sont liés par une histoire commune, hantée par les fantômes de l’Atlantique. Chacun à sa manière doit beaucoup à Fog de John Carpenter, qui à partir de très peu d’effets parvient à susciter un large spectre de sensations.

J’aime la frontalité du regard du cinéaste sur la violence capitaliste de la société brésilienne héritée de l’esclavagisme. Ce film restitue parfaitement la fréquence si particulière de cette haute tension entre races, entre classes. L’enfer du déni, de la répétition d’une histoire qui se rejoue, de la persistance du spectre colonial. Les Bruits de Recife est un film de fantômes extralucide. En le revoyant hier soir, je me suis rendu compte que KMF l’avait réalisé trois ans avant l’assassinat de l’activiste Marielle Franco et l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro. Depuis la pandémie de 2020, on a comme changé de siècle. Je ne peux plus rester assise devant des films qui ne dialoguent pas réellement avec leur époque.

Le film du monde d’après

Dans le genre “retour du refoulé”, aucun film ne m’a autant marquée que Nope de Jordan Peele. Car il a justement opéré et anticipé le virage d’une nouvelle ère, celui qu’il fallait prendre. Sorti deux ans après le Covid, c’est LE film du “monde d’après”. Je le vois entre autres comme un adieu au cinéma du monde d’avant (dominé par les Blancs) et la promesse de sa réinvention par les maldites “minorités”. Œuvre d’art méga-divertissante, blockbuster ultra-sensible, Nope est le grand film politique de ce début de siècle qui marquera l’histoire du cinéma tel un nouveau paradigme esthétique et politique. On n’avait jamais vu ça.” 

Festival de Cannes : un appel à la grève menace l’événement

6 mai 2024 à 16:35

Le collectif Sous les écrans, la dèche, qui représente “les précaires des festivals de cinéma”, a voté ce lundi un appel à la grève auprès de ”tout·es les salarié·es du Festival de Cannes et des sections parallèles” pour alerter sur la précarité du secteur. La porte-parole du collectif a annoncé à l’Agence France Presse la participation au vote de nombreux corps de métiers tels que projectionnistes, des programmateur·ices, des attaché·es de presse, des chargé·es de billetterie ou de l’accueil.

En cause : le statut de ces travailleur·euses. ”Nous alternons des missions de courtes durées avec des périodes chômées et malgré la nature intermittente de nos métiers et alors que nous travaillons à la diffusion d’œuvres cinématographiques, nos activités ne relèvent pas du régime de l’intermittence du spectacle”, déplore le collectif dans son communiqué. Ce dernier précise également leurs revendications dont la reconnaissance du statut d’intermittent fait partie. Le communiqué insiste également sur les « récentes réformes de l’assurance chômage qui viennent durcir les règles d’indemnisation“ et favorise une précarité déjà grandissante.

Perturber le Festival

Le collectif précise que l’objectif de cette mobilisation n’est pas de remettre en cause la tenue du Festival ou de nuire aux films qui y seront présentés mais de “perturber l’événement“. Ce n’est pas la première fois que le festival est confronté à des mobilisations puisque, chaque année, sa tenue fait l’objet de manifestations.

Son organisation n’a d’ailleurs, pour le moment, pas réagi à cette annonce.

Le documentaire “Spacey Unmasked” révèle de nouvelles accusations contre Kevin Spacey

6 mai 2024 à 16:05

Alors qu’il a été innocenté par la cour londonienne il y a moins d’un an, après les accusations de quatre hommes, Kevin Spacey fait l’objet de nouvelles accusations dans un documentaire diffusé en deux parties ce lundi 6 mai et mardi 7 mai sur la chaîne britannique Channel 4. Il sera ensuite disponible sur Max aux États-Unis. 

Ce documentaire intitulé Spacey Unmasked réunit ainsi des interviews avec neuf témoins ne s’étant jamais exprimés auparavant. Ils évoquent désormais des faits qui se seraient déroulés à New York et Los Angeles, mais aussi dans un cinéma ou sur le plateau de tournage de la série House of Cards.

Neuf témoignages inédits

Parmi les dix témoignages recueillis pour le documentaire, neuf sont totalement inédits selon Variety et recouvrent une cinquantaine d’années de la vie de Kevin Spacey. L’un d’entre eux émane ainsi de Greg, un camarade de lycée de l’acteur, qui évoque des faits qui se seraient déroulés lorsqu’ils avaient 16 ou 17 ans. Il raconte que Kevin Spacey lui aurait fait des avances physiques alors qu’ils se rendaient à une fête. “Il a saisi mes parties génitales”, affirme-t-il avant d’expliquer : “c’était un geste sexuel très agressif”.

À l’exception de Greg, la plupart des témoignages entendus proviennent de jeunes acteurs ayant essayé de se faire une place dans l’industrie du cinéma. C’est notamment le cas de Scott qui raconte une séance de cinéma durant laquelle Kevin Spacey se serait masturbé. “Il s’est approché de moi, m’a attrapé la main et a essayé de me faire aider”, confie-t-il à la caméra.

Comportements inappropriés sur le tournage de House of Cards

Si le documentaire mentionne une enquête menée par la production de House of Cards ayant conclu à l’existence d’un “modèle de comportement inapproprié couvrant les cinq saisons de House of Cards”, plusieurs témoignages y feraient également référence. Un acteur, présenté sous le nom de Daniel, accuse ainsi Kevin Spacey de l’avoir “tripoté sur le plateau”, précisant ensuite : “Sa main a touché mon pénis. J’ai été touché de manière inappropriée sur le plateau de tournage, au travail.” 

Evelyn, qui a travaillé en tant qu’assistante de direction sur le tournage confirme cette atmosphère inappropriée et affirme que certains “membres de l’équipes se sentaient mal à l’aise en raison du comportement de Spacey”, qui bénéficiait à ce moment-là de son statut de producteur exécutif.

Le principal concerné a, lui, réfuté ces accusations en amont de la diffusion du documentaire lors d’un entretien avec le journaliste britannique Dan Wootton. “Je ne peux pas et je ne veux pas assumer la responsabilité ni m’excuser auprès de quiconque a inventé des choses sur moi ou exagéré des histoires à mon sujet”, a affirmé l’acteur à son micro. Ce dernier a également réagi sur X, déclarant “je ne vais pas rester les bras croisés et me laisser attaquer par un documentaire unilatéral”.

Andrew Haigh va réaliser un biopic sur Léonard de Vinci

6 mai 2024 à 11:04

Après Sans jamais nous connaître, le réalisateur britannique prépare un film sur Léonard de Vinci, d’après Variety. Impulsé par Universal, le projet s’inspire du best-seller de Walter Isaacson.

Leonardo par Leo ?

Publiée en 2017, cette biographie s’appuie à la fois sur les travaux du peintre italien et les milliers de pages de ses carnets, retraçant l’ensemble de sa vie. Le biographe américain revient ainsi sur les expériences scientifiques de Léonard de Vinci, son attrait pour l’anatomie, sa curiosité et son imagination, mais aussi sur la réalisation de La Joconde.

Des aspects et des étapes de sa vie qu’on devrait donc retrouver dans l’adaptation cinématographique d’Andrew Haigh, qui, en plus de la réaliser, en écrira aussi le scénario. Alors que Leonardo DiCaprio avait été annoncé au casting du film, quand celui-ci était encore développé par Paramount, l’acteur italo-américain devrait toujours interpréter le peintre dans le nouveau projet repris par Universal.

[Trailer] Adam Driver défie les lois du temps dans “Megalopolis”

Par : Arnaud Combe
6 mai 2024 à 10:24

À quelques jours de l’ouverture du 77e Festival de Cannes, auquel il concourra à la Palme d’or, le nouveau film de Francis Ford Coppola, Megalopolis, se dévoile dans un premier extrait vertigineux. On y voit Adam Driver perché au sommet d’un gratte-ciel d’une ville aux allures new-yorkaises. Alors qu’il s’apprête à sauter dans le vide, il panique et arrête le temps pour éviter sa chute. Autour d’Adam Driver, on retrouvera Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel, Shia LaBeouf, Jon Voight, Jason Schwartzman, Talia Shire et Dustin Hoffman… un casting parfaitement calibré pour une Palme d’or.

Dans un message posté sur Instagram, Francis Ford Coppola a accompagné la publication du teaser d’un message en l’honneur de son épouse, la scénariste et réalisatrice Eleanor Coppola, décédée le 12 avril dernier : “Megalopolis a toujours été un film dédié à ma chère femme Eleanor. J’avais vraiment espéré fêter son anniversaire avec elle ce 4 mai. Malheureusement, cela n’a pas été le cas, alors permettez-moi de vous partager à tous un cadeau en son nom.” 

Mûrie depuis près de quatre décennies par le cinéaste américain, cette fresque nous plongera dans une Amérique aussi moderne qu’imaginaire.

“Mon pire ennemi” et “Là où Dieu n’est pas”, un vrai-faux diptyque choc à découvrir absolument

6 mai 2024 à 06:00

C’est toujours porté par une quête de dialogue que le cinéma de l’Iranien Mehran Tamadon semble se mouvoir. Dans Bassidji (2009), il tentait de tisser une discussion avec les personnalités parmi les plus extrémistes de son pays. Dans Iranien (2014), le cinéaste athée proposait à un groupe de mollahs de se confiner avec lui dans un petit appartement pendant deux jours. Établir un pont par la parole qu’il obtient grâce à la singularité d’un dispositif de cinéma, c’est ce que produisent et travaillent, à leur tour, ses deux nouveaux films.

Autant conçus en diptyque que comme des contrepoints qui entrent en collision l’un avec l’autre, Mon pire ennemi et Là où Dieu n’est pas offrent un témoignage d’une grande force sur les pratiques tortionnaires mises en place par le régime islamique pour contrôler et faire parler ses opposant·es.

Aussi complexe et versatile que pervers, Mon pire ennemi procède à la reconstitution des interrogatoires menés par les Bassidjis, les agents du régime iranien. Sauf qu’ici les personnes qui incarnent les interrogateur·rices sont des ancien·nes prisonnier·ères. Face à elles et eux, le cinéaste incarne un détenu. Pourtant, le traumatisme est trop profond pour que les néo-acteur·rices aillent plus loin et poursuivent le jeu de rôle.

Le réalisateur se tourne alors vers Zar Amir Ebrahimi (primée à Cannes pour Les Nuits de Mashhad). La jeune femme a subi des interrogatoires continus pendant un an. La voilà désormais chargée d’interroger Mehran Tamadon comme s’il était un prisonnier. Le simulacre devient progressivement cruel et humiliant : elle lui ordonne de se mettre en sous-vêtements, le propulse sous un jet d’eau glacée. Dans cette exploration de l’extrême violence psychologique et physique d’un diabolique jeu de manipulation, ce n’est plus seulement la toute-puissance du tortionnaire que le cinéaste questionne.

Les lignes se troublent et le film se retourne sur lui-même dans un grand trouble réflexif. Ainsi, pour déstabiliser le réalisateur, Zar Amir Ebrahimi commence à lui reprocher la nature même de son projet et la façon malsaine dont la reconstitution d’une situation oppressive réveille des traumatismes chez tous·tes celles et ceux qui l’ont vécue. Qui est alors le bourreau et la victime de ce jeu de rôle ? La troublante expérience sadomasochiste se transforme, en une fraction de seconde, en réflexion éthique sur l’image.

Dans une forme documentaire plus conventionnelle, Là où Dieu n’est pas poursuit la recherche du premier film. Mehran Tamadon y recueille les témoignages de trois ancien·nes détenu·es politiques, dans une prison reconstituée à l’intérieur d’un entrepôt de la banlieue parisienne. Une nouvelle sobriété, volontairement moins performative, qui s’écrit simplement dans l’écoute attentive des récits. Le cinéaste iranien nous projette ainsi dans la tête d’un·e captif·ve et dans la nécessaire résilience qu’il ou elle doit mettre en place pour survivre : “C’est dur de faire de la prison sans s’illusionner”, avoue l’une des personnes interrogées.

Mon pire ennemi de Mehran Tamadon, avec Zar Amir Ebrahimi, Taghi Rahmani, Mojtaba Najafi (Fr., Suis., 2023, 1 h 23). En salle le 8 mai.
Là où Dieu n’est pas de Mehran Tamadon (Fr., Suis., 2023, 1 h 52). En salle le 15 mai.

“La Vie selon Ann”, petit guide new-yorkais du vide existentiel à la sauce BDSM

5 mai 2024 à 06:00

Sœur lo-fi de Lena Dunham et petite-fille rebelle de Woody Allen, Joanna Arnow explore dans ce premier long qu’elle a écrit, interprété, réalisé et monté un territoire de cinéma connu – celui de l’autofiction à tendance existentielle, mêlant relations dysfonctionnelles et sexualité frontale –, tout en repoussant ses contours.

Produit par Sean Baker et présenté à la Quinzaine des cinéastes en 2023, La Vie selon Ann (The Feeling that the Time for Doing Something Has Passed, en VO, magnifique titre à l’adaptation française peu heureuse) raconte le quotidien morose d’une trentenaire new-yorkaise, partagée entre un emploi de cadre assommant, une sexualité BDSM où elle joue le rôle de la soumise auprès de plusieurs maîtres et ses (véritables) parents qui ne cessent de se chamailler. On pourrait aussi résumer Ann à la façon dont elle se décrit sur une application de rencontres : “J’aime les plats consistants qui restent sur l’estomac et je n’aime pas les gens qui sont obsédés par le 11 Septembre.”

Génialement tragicomique, le film avance au rythme de saynètes dans lesquelles se déploient un spleen et un malaise abyssaux. À travers la soumission ou la tentative d’une relation “vanille” (conventionnelle), auprès de sa famille ou au travail, Joanna Arnow se confronte à la difficulté du lien à l’autre et à soi-même, à l’ennui aussi, au sens de la vie en somme. Sa radicalité est de ne pas opposer grand-chose à la question du vide existentiel, à accepter, comme l’ont fait conjointement Ovidie et Mallarmé, que la chair est triste hélas, qu’on est et reste seul·e et que la vie n’a aucun sens, à vivre avec ce sentiment, saisi par le titre original, qu’il est trop tard pour que les choses changent.

De cette capitulation naissent paradoxalement une forme de réconfort et aussi les prémices d’une désobéissance. Avec une certaine finesse, La Vie selon Ann parcourt le catalogue de nos répressions et normes sociales, familiales, relationnelles, sexuelles et professionnelles. Pour mieux les faire voler en éclats ?

La Vie selon Ann de et avec Joanna Arnow, Scott Cohen, Babak Tafti (É.-U., 2023, 1 h 27). En salle le 8 mai.

“L’Esprit Coubertin” : Benjamin Voisin, Emmanuelle Bercot et du rififi aux JO

4 mai 2024 à 06:00

Quelque chose bouge du côté de la comédie française, incarnée par une nouvelle génération certes pas encore assez dotée en star power pour prendre la relève des mastodontes des années 2010 mais tout de même assimilable par le divertissement populaire. Le Dernier des Juifs de Noé Debré ou Bis Repetita d’Émilie Noblet ont récemment confirmé un vent de fraîcheur, apportant dans son sillage des objets plus en phase avec l’époque, empreints de subtilité et rétifs à un certain beaufisme qui avait dominé l’ethos de la comédie de ces deux dernières décennies.

L’Esprit Coubertin en est. Son auteur, Jérémie Sein, a officié comme réalisateur des bientôt quatre saisons de Parlement (créée par Debré, coréalisée par Noblet). Ancien journaliste sportif, ce n’est pas aux arcanes de la politique mais à celles de l’olympisme qu’il a consacré son premier long, centré sur le parcours chaotique d’un champion de tir aux JO de Paris. L’introverti Paul (Benjamin Voisin), véritable malaise ambulant aux manières brusques et autistiques, n’en est pas moins le dernier espoir de médaille d’une délégation française humiliée à domicile – mais à mesure que son épreuve approche, sa concentration se disperse entre querelles de dortoir et montées d’hormones.

Le film est parfaitement réussi dans le ton, et pourtant totalement cryptique quant à ses intentions : il semble limite buller, mener la barque de son récit au petit bonheur la chance, au gré des humeurs aléatoires de personnages assez bien brossés pour donner à l’ensemble un souffle de tableau vivant – mention spéciale à Laura Felpin, parfaite dans un rôle d’intendante du village olympique sans doute écrit pour elle. Le but n’est somme toute pas si éloigné de Parlement : Sein ne s’intéresse certainement ni à la politique européenne ni au sport (on verra d’ailleurs très peu de scènes d’épreuves – le budget ne semble pas y être pour rien), mais passionnément à la ménagerie bureaucratique grouillant autour de l’arène.

Dans quel but ? C’est un peu le mystère, tant le film se plaît à brouiller tout ce qui pourrait ressembler à une trajectoire motivée du héros, être attachant mais veule qui, s’il progresse sans nul doute, pour autant n’apprend rien. Tant sur le plan politique que sur celui des sentiments, Paul est entouré de gens plus matures et structurés que lui et essaie de se hisser à leur niveau, mais la part du mûrissement sincère et celle du strict mimétisme restent chez lui indiscernables. Un épilogue assez génial en donne sans doute la clé : interrogé des années plus tard sur le coup d’éclat de son olympiade, le jeune adulte accrédite mollement les questions toutes faites d’une journaliste qui l’érige en symbole (“C’était politique ? – Ah, bah oui…”).

L’Esprit Coubertin s’affirme à la lumière de cette coda comme une comédie sensible sur la perte collective de sens et la gesticulation des humain·es à l’intérieur de récits creux auxquels ils et elles font semblant de croire : l’exploit, le travail, l’effort, la vertu s’évanouissent instantanément sous son beau regard d’absolue désinvolture.

L’Esprit Coubertin de Jérémie Sein, avec Benjamin Voisin, Emmanuelle Bercot, Rivaldo Pawawi (Fr., 2024, 1 h 18). En salle le 8 mai.

Golshifteh Farahani et Tahar Rahim seront au casting d’“Alpha”, le prochain film de Julia Ducournau

3 mai 2024 à 16:25

Après les succès de Grave en 2016 et Titane, qui avait remporté la Palme d’Or à Cannes en 2021, Julia Ducournau revient avec un nouveau projet. Pour son troisième film, intitulé Alpha, elle sera entourée de Golshifteh Farahani (Frère et Sœur) et de Tahar Rahim, césarisé pour son rôle dans Un Prophète.

À l’exception du casting, la réalisatrice n’a souhaité révéler aucun détail sur son nouveau long métrage. Seul le communiqué publié par ses producteurs permet de se faire une petite idée puisqu’ils décrivent le film de Julia Ducournau comme ”l’œuvre la plus personnelle et le plus profonde” de sa carrière constituant ainsi une “nouvelle page du corpus de Julia Ducournau, à la fois très cohérente avec les précédentes et entièrement nouvelle dans son ton”.

Pourquoi les scènes de sexe sont-elles en chute libre dans les productions US ?  

Par : Arnaud Combe
3 mai 2024 à 15:46

Le sexe serait-il en train de déserter le grand écran ? C’est ce qu’avance la récente étude menée par Stephen Follows dans The Economist qui note une bascule dans la représentation du sexe dans les productions américaines. À partir de données statistiques, l’analyste révèle que le niveau de contenu sexuel au cinéma a chuté de près de 40 % depuis le début du siècle.

Le rapport indique que la moitié des longs métrages d’outre-Atlantique ne comprendrait plus la moindre référence sexuelle. Une régression qui s’observe également à la télévision, où, malgré la plus grande liberté de contenu fournie par Netflix et HBO, les scènes de sexe classique demeurent minoritaires selon l’enquêteur. Cependant, lorsque ces séquences sont abordées, elles se révèlent nettement plus explicites qu’auparavant, exhibant davantage la nudité masculine. Certaines pistes sont avancées pour expliquer cette régression.  

Hollywood au temps de la Gen Z

Hollywood semble se mettre au diapason des tendances contemporaines, qui battent en brèche les modèles traditionnels de l’amour romantique au profit de relations amicales. D’après la dernière étude du Center for Scholars and Storytellers de l’Université de Californie (UCLA), près de la moitié des cinéphiles de la génération Z veut voir moins de scènes de sexe à l’écran. Lassé·es par une représentation de la sexualité jugée trop superflue et inutile à l’intrigue, les spectateur·ices de la génération née entre 1997 et 2010 exhortent l’industrie cinématographique à se faire davantage le miroir de leur réalité, marquée par une baisse de fréquence des rapports sexuels. Ils souhaiteraient davantage voir des relations “asexuelles et aromantiques”.  

Le succès récent du film Slow de la réalisatrice lituanienne Marija Kavtaradze, lauréate prix de la mise en scène à Sundance l’an dernier, dans lequel elle aborde l’asexualité, vient confirmer l’émergence de ce nouveau mouvement culturel.  

La course au box-office

Outre les déclarations de certain·es spectateur·ices, critiques et journalistes américain·es qui attribuent l’orientation plus puritaine d’Hollywood à l’avènement du mouvement #MeToo ainsi qu’à la prédominance des films de super-héros centrés sur des personnages célibataires, cette tendance s’explique surtout par des raisons économiques. Considéré comme trop clivant par l’industrie cinématographique, qui ne cesse de se standardiser pour toucher le public le plus large, le sexe constitue un large frein dans la course frénétique au box-office.

Sur France Inter, Juliette Binoche réagit avec émotion à la tribune publiée en soutien à #MeToo

3 mai 2024 à 15:28

“Ça fait du bien, enfin !”, réagit Juliette Binoche, lorsque la journaliste de France Inter mentionne la tribune de soutien signée par une centaine d’hommes, publiée ce mardi 30 avril par Elle. “Toutes les femmes attendent que les hommes prennent la parole et soutiennent”, déclare-t-elle les yeux remplis de larmes avant d’ajouter : “cette tribune est une nécessité, sinon il n’y aura pas de changement”.

Un témoignage supplémentaire et une maladresse

La comédienne confie d’ailleurs avoir reçu des “messages d’hommes qui [l’]ont entendue” en réponse à l’interview qu’elle a accordé à Libération, dans laquelle elle parle de ses débuts au cinéma et de ce qu’elle a vécu en tant que jeune actrice. Face à Léa Salamé, Juliette Binoche est ainsi revenue sur ses premières expériences, regrettant toujours la prédominance du nu au cinéma.

Au-delà de l’intervention poignante de l’actrice, l’émission fait beaucoup réagir à cause de certains propos tenus par Léa Salamé sur les violences sexuelles. La journaliste a ainsi de nouveau créé la polémique en répondant à Juliette Binoche : “vous avez eu le courage de dire non… Là où d’autres se sont laissées faire”. Un commentaire considéré comme une “inversion de la culpabilité” pour les victimes de violences sexistes et sexuelles. Certaines d’entre elles rappellent alors sur le réseau social X que “non, les victimes ne se laissent pas faire”.

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